Dans les milieux du transport aérien en Tunisie, ce n’est plus un secret pour personne : Tuninter est souffrante. Souffrante de son mariage avec le tourisme qui bat de l’aile. Souffrante à cause d’une flotte inadaptée à ses besoins réels. Souffrante à cause d’un déficit d’image engendré par son accident du 2 août dernier au large des côtes italiennes.

Pourtant, Tuninter est un acquis pour le tourisme national, pour l’économie tunisienne de manière plus générale. De plus, la compagnie ne manque pas de compétences, ni au plan administratif, encore moins aux plans technique et navigant. L’Etat tunisien a consenti des sacrifices pour maintenir en vie la compagnie, d’abord en faisant racheter 98 % de son capital par Tunisair.

Ensuite, en accordant à Tuninter toutes les facilités de dessertes intérieures possibles et imaginables (les transversales). Mais Tuninter ne s’en sort plus. La ligne quotidienne Tunis-Tabarka, en basse-saison, n’est plus assurée que les week-ends, faute de passagers. A 40 dinars le billet aller et retour, il n’en fallait pourtant pas plus pour faire de cette ligne un succès.

Sur l’axe Tunis-Tozeur, Tuninter n’assure plus désormais que 4 vols par semaine, au lieu d’un quotidien, et encore, à des heures impossibles ! La compagnie aurait perdu en 2004 près de 700 000 dinars rien que cette ligne ! En cause : les 9 dessertes régulières directes assurées à partir des capitales européennes. Egalement supprimée : la transversale Djerba-Tozeur. Sans parler du déficit financier sur l’axe Tunis-Djerba à cause de tarifs trop bas.

Lignes internationales supprimées:

A l’échelle internationale, la situation de Tuninter est également préoccupante : les lignes sur l’Italie, son premier marché, ont été supprimées, à l’exception du Tunis-Palerme assuré … avec un avion de Tunisair (surdimensionné !), car depuis l’été dernier, les 2 ATR de Tuninter sont interdits de vol en Italie. Alors que ses principaux bénéfices provenaient du trafic charter, Tuninter se retrouve aujourd’hui en bout de piste, sans véritable visibilité alentour.

Plus inquiétant encore, le fait que plusieurs tour-operators européens aient refusé de lui confier leurs passagers pour les dessertes intérieures. La récente ouverture vers la Libye n’est pas suffisante pour compenser le manque à gagner. De toutes les façons, le vol Tunis-Sfax-Tripoli n’a réussi qu’à faire 50 % de remplissage un mois après son lancement.

Comment Tuninter va-t-elle donc s’en sortir dans cette conjoncture très défavorable ? Ne pouvant plus totalement assumer sa mission première, à-savoir épauler le secteur du tourisme, Tuninter doit donc revoir sa stratégie et ses objectifs à la lumière des nouveaux facteurs entrés en jeu. On s’autorise à évoquer, dans les milieux du transport aérien en Tunisie, une possible fusion totale de ses activités avec Tunisair. Mais ne deviendrait-elle pas un fardeau pour la compagnie nationale ? On parle de renouveler sa flotte avec des appareils répondant exactement à ses besoins. Mais a-t-elle les moyens de ses ambitions ?

De plus, l’ATR a aujourd’hui très mauvaise presse, notamment en Italie. Racheter des appareils de ce type n’arrangerait en rien la situation. Acquérir des jets coûterait énormément cher. Les jours de Tuninter sont-ils comptés ? On espère que non, bien évidemment, conscients de son rôle dévolu au transport aérien en Tunisie. La solution passerait peut-être par la cession, par Tunisair, de certaines lignes de proximité comme Alger, Annaba, le sud de la France ou la Libye (Tripoli et Benghazi au départ de Tunis) avec de nouveaux appareils, cela s’entend. Tunisair pourrait aussi lui céder certaines de ses machines pour l’épauler dans sa démarche. Mais de toute évidence, il est clair qu’au plus vite, Tuninter a besoin de reprendre de l’altitude.