L'Organisation Mondiale du Tourisme a rendu un grand hommage aux femmes en réservant le thème de la dernière journée mondiale du tourisme, célébrée le 27 septembre, à la gent féminine. TourisMag a saisi cette occasion pour donner la parole à un quatuor de femmes tunisiennes qui continuent de faire leur carrière dans le tourisme et l'hôtellerie du pays. Certes, la plupart d'entre elles n'ont pas choisi de faire ce bonhomme de chemin dès le départ. Mais elles ont plutôt relevé le défi du hasard.
Aujourd'hui, aucune des quatre "success' stories" ne regrette son aventure.
Si c'était à refaire, elles emprunteraient le même chemin. Ahlem Rziga est la seule à avoir eu un coup de cœur pour ce secteur dès le commencement. Faouzia Belajouza, Salwa Kedadi et Anissa Ben Heddada, quant à elles, leur carrière dans le tourisme et l'hôtellerie n'a pas été planifiée au préalable. Elles ont plutôt obéi à la loi du hasard. Et elles ont fini par aimer ce qu'elles ont fait…ce qu'elles font actuellement… et ce qu'elles envisagent de continuer.
Témoignages
Faouzia Belajouza Gérante Société GESTHOBEL
J'ai atterri dans le secteur de l’hôtellerie et du tourisme par un pur hasard. Ce n'était nullement un choix réfléchi au-préalable. En 1972, je venais de terminer mes études à l'IHEC et j’avais choisi de faire mon stage à la Société Hôtelière et Touristique de Tunisie (SHTT) qui était la pionnière dans le domaine et avais opté pour la comptabilité analytique appliquée à l’hôtellerie. Tout au long de ma période de stage, je me rendais à une évidence c'est que ce domaine était la chasse gardée des hommes et qu’il serait très difficile pour une femme de s’y imposer.
Cela étant, ce passage était une sorte d’avant goût pour mon aventure touristique qui allait démarrer en 1977 avec le Consortium Tuniso-Koweitien de Développement (CTKD). Cette aventure durera vingt ans, pendant lesquels je gravirai les échelons. Je suis ainsi passée de Directeur Administratif et Financier du CTKD et ses deux filiales à savoir la Société Abou Nawas de Gestion Touristique (SOGES) et la Société Abou Nawas Travel où j'étais Directeur Central des trois sociétés aux postes de Directeur Général Adjoint et Président Directeur Général de la Société Abou Nawas Tozeur. D'ailleurs j’y ai supervisé les travaux de bout en bout. Et ce, en plus de plusieurs mandats d’administrateur représentant le CTKD dans les conseils d’administration d’autres sociétés telles que les Golf Cytrus et Palm Links, la Société de Tourisme et de Congrès (propriétaire de l’Abou Nawas Tunis), la Société Boujâafar (propriétaire de l’Abou Nawas Boujâafar), la Société Jinane El Hammamet, etc.
En 1998, j’ai été sollicitée par le groupe Austro Turc « MagicLife » qui est le spécialiste du All Inclusive. J'avais pour mission de prendre en charge son développement en Tunisie en qualité de Directeur Général. Et me voilà repartie pour une nouvelle expérience qui va durer cinq ans au cours desquels la chaîne est passée d'une à six unités. Après MagicLife et un bref passage de six mois à Karthago Group, j’ai commencé à cogiter dans le but de monter un projet dans ce domaine… que j’ai appris à connaître… et dont je suis tombée amoureuse en fin de compte! En Mars 2005 j’ai crée la Société « Gesthobel » et pris en location deux unités hôtelières à Hammamet. Ambitieuse de mon état, je nourris le vœu de pouvoir me développer davantage.
Cette évolution de ma carrière, je la dois essentiellement à mes convictions profondes. Je crois dur comme fer à l’immense possibilité de la femme d’une manière générale et de la femme tunisienne en particulier de consolider son rôle et ses droits dans la société. Je préfère ainsi l’action au discours, la pratique à la théorie et l’initiative à l’immobilisme. Pour moi, l’égalité des sexes n’est pas une expression vaine ou pompeuse ni encore moins un slogan creux. C'est plutôt une réalité palpable incontestable. A mon avis, que le secteur ait été la chasse gardée des hommes, n’était que le fruit du hasard.
NDLR : Madame Faouzia Belajouza est la seule femme membre du Conseil d’Administration et du Bureau Exécutif de la Fédération Nationale de l’Hôtellerie et préside à ce titre la Commission Economique et Financière.
Salwa Kedadi, Directrice Saphir Voyages
On pourrait dire que le hasard fait bien les choses. Car, c’est tout à fait le hasard qui m’a amenée dans le secteur du tourisme. J’étais étudiante à la faculté des Lettres et des Sciences Humaines et rien ne me prédestinait à l'époque à une carrière dans le tourisme. Or, le destin en a voulu autrement! A ma sortie, précipitée avouons-le de la Faculté des Lettres, je n'avais pas vraiment le choix. Je n'avais alors d'alternative intéressante en termes de disponibilité et de faisabilité, qu’une formation de Technicien Supérieur de Tourisme, une formation que j’ai intégrée et suivie pendant deux ans, au sein de l’Institut Supérieur de l’Hôtellerie et du Tourisme de Sidi Dhrif (ISHT).
Une fois que j'ai décroché mon Brevet de Technicien Supérieur, section accueil (guide de tourisme), je devais intégrer le monde du tourisme. Et pour ne rien vous cacher, les débuts n’étaient pas du tout faciles. Il fallait m’imposer et faire mes preuves dans un monde, où les responsables (directeurs et décideurs) étaient exclusivement des hommes. La réussite nécessitait, outre une forte personnalité, de la persévérance, de la patience et du courage.
Au bout de plusieurs années passées dans le secteur, je peux dire que j’ai réussi à m’imposer, grâce notamment au soutien moral d’une femme, qui m’avait déjà précédée dans le domaine : Mme Houda Bellil. Depuis que j'ai fait mes premiers pas dans le secteur touristique, il me fallait prouver, à chaque fois, que je pouvais, en tant que femme, monter au créneau aussi bien que les hommes, tout en étant responsable. Il avait suffit d'aimer ce qu'on faisait et d’en être passionnée pour évoluer et progresser, voire exceller. Et dieu Seul sait ô combien le parcours n’était pas du tout évident. J’ai dû affronter des problèmes différents, dans un univers plutôt masculin et un terrain non sans avoir les bâtons dans les roues, les critiques destructives, les sabotages, les humiliations et le harcèlement…
Quand bien même ce parcours serait dur, les difficultés ne m’ont en aucun cas dissuadée. Je tenais bec et ongles à réussir et à prouver que je pouvais avoir une place importante dans le secteur. Et, pour cela, il fallait s'armer d'une confiance en soi, du dévouement et surtout du courage. Ceci m’a d’ailleurs permis de monter progressivement les échelons en passant de guide touristique, à chef d’agence, puis à responsable commerciale, ensuite à chef du département tourisme et aujourd’hui, j’ai enfin réussi à être directrice d’agence. Comme quoi, le travail finit toujours par payer, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme. Seule la compétence et le travail font la différence!
Ahlem RZIGA , Ok Travel Tunisia & Events
« Aujourd’hui, les mentalités ont changé »
Il est plus que vrai que le secteur touristique m’a ouvert une grande porte pour assurer un avenir professionnel bien rempli. Le tourisme m’a effectivement permis d’avoir beaucoup de contacts avec d’autres cultures, d’autres horizons et une polyvalence dans les connaissances et l'exécution des tâches, de l’hôtellerie à l’aérien, en passant par la restauration, l’animation et autres branches d’activités touristiques. Plus encore, le tourisme m’a permis d’apprendre et d’acquérir le sens de l'organisation, l’ouverture d'esprit, la culture générale, la maîtrise de l'information, etc.
En fait, je n'ai pas intégré le secteur touristique par hasard. D'ores et déjà , le mot "agence de voyage "d'ores sonnait bien dans mes oreilles. Il était synonyme de voyage et de déplacement. Aussi, après un duel en INTERPRÉTARIAT (Anglais, Allemand et Arabe), j'ai poursuivi mes études à l’Institut Supérieur de Sidi DHRIFF et j’ai obtenu un BTS agent de voyage.
Mon premier poste dans le tourisme était dans l'hôtellerie où j’ai occupé la fonction de premier Secrétaire de réception à Gammarth. La fonction d’agent de voyage n’a pas fini de me séduire. Aussi, « OK Tunisia Travel » est-elle née, après une dizaine d’années au cours desquelles, j’ai été commercial des plusieurs hôtels 5 étoiles. Depuis l’intégration du secteur touristique, j’ai entamé une évolution progressive, et j’ai touché à tous les maillons de la chaîne. J’ai occupé différents postes : de l'hôtellerie à la réception en passant par la réservation, le service financier, la direction générale, les relations publiques et les responsabilités commerciales, pour arriver aujourd’hui, à l’agence de voyage.
Il faut reconnaître tout de même, que cela n’a pas été sans difficultés. Je dirai que la plus importante, au début surtout, était de faire accepter par les hommes, l'autorité d'une femme. Car, avoir un poste supérieur hiérarchiquement, n’était pas du gâteau. Tout succès professionnel était douteux et calomnié. Les rapports avec les collègues hommes n'ont pas toujours été roses ou sous un soleil au beau fixe. Les jalousies des collègues femmes plus anciennes dans les établissements du travail et l'approche des clients étaient du pain quotidien. Surtout que j’étais jeune à l’époque, une gosse, comme ils disaient. Alors, comment peut-on lui faire confiance? En outre, il fallait supporter et composer avec le regard des autres. Pour une femme, travailler, tard le soir, les jours de fêtes, le dimanche et de surcroît dans le tourisme, n’était pas très apprécié. D'autant qu'on est appelé à concilier entre le tourisme et la vie familiale ou encore personnelle. Et ce n’est pas du tout évident. Le job et ses obligations me bouffent en effet 90% de mon temps parce que notre secteur est réactif. De ce fait, il est impératif de réagir rapidement.
Toutefois, aujourd’hui, beaucoup de choses ont changé. Après plus de 10 ans dans le secteur, on constate un grand changement dans les mentalités. De nos jours, il y a plus de tolérance, d'acceptation, voire de participation complice et sincère.
Anissa Ben Haddada, Directrice commerciale pays – ACCOR Tunisie
"L'état d'esprit fait la différence"
Je n’ai pas choisi ce secteur. C'est plutôt par un pur hasard que je m'y suis retrouvée ! D'ailleurs, je refusais même de travailler dans le tourisme. J’ai fait une formation en Finances et Marketing. Et j'étais amenée à travailler comme stagiaire au fur et à mesure que je poursuivais mon 3eme cycle, pour gagner ma vie. J’ai commencé par un stage en SIVP au sein du groupe Accor. Et me voilà encore chez ce même groupe en tant que directrice commerciale pays. Mais en cours de route, je suis passée par tous les échelons. Et ça dure depuis 2000!
Force est d'avouer aujourd’hui que j’ai eu beaucoup de chance en intégrant ce secteur et en l’occurrence le groupe Accor. Celui-ci qui m’a permis en effet, d’évoluer et de donner le maximum de moi même. Et le groupe de m'ouvrir des portes tant en termes de connaissances qu'en progression dans vie professionnelle. J’ai avancé sans rien demander. J’ai alors cumulé des points c'est-à -dire des résultats et je suis actuellement la seule femme directrice entre 6 hommes. En l'occurrence, j’ai autant de poids que les autres !
En 2004, j’ai été nommée directrice commerciale et je ne me souviens même pas comment cette nomination a eu lieu. C’était en réalité un passage systématique car bien avant ce titre, j’étais responsable et très sérieuse, je l'avoue.
A mon sens, être responsable est un état d'esprit et non pas un titre. En fait, la problématique homme/femme dans le secteur n’existe pas. C'est archi faux que les hommes évoluent mieux ou plus que les femmes. Il s'agit plutôt d'un choix à faire pour nous « femmes ». Ce n'est pas la mer à boire. Ce qu'Il faut c'est de la disponibilité et de la volonté ! Or, malheureusement, les femmes se donnent des limites. Pour moi, si j'étais un homme ou une femme comme c'est le cas, mon évolution serait la même. Car l'état d'esprit, tel que je l'ai dit, est le seul à faire la différence.
Et si je me compare aux femmes européennes, je ne vois pas de disparités. L'important est de respecter une culture assez particulière qui ne m’a pas empêchée de grimper pour autant. Je suis très fière d’être une Tunisienne qui réussit parce que je reste persuadée que d'autres femmes arabes n’ont pas cette chance. Bien que j'appartienne tout à fait à cette gent. Quand je suis en négociation, je me mets dans la peau d’une « bête ».
Alors, je ne suis ni une femme ni un homme. C'est-à -dire que je ne me sente en aucun cas handicapée… ma finalité c'est de décrocher le contrat. Il est vrai que, parfois, c’est avantageux d’être une femme dans ce genre de situation. Lorsque tu parts dans une négociation, ton vis-à -vis homme, ne se prépare pas assez ou plus qu'il n'en faut, croyant qu’il a des reins plus solides. Il ne se méfie pas et ça m’amuse franchement. Pour preuve, j’ai réussi à avoir des marchés sans déployer beaucoup d’efforts !!!
Je dirai cependant que les négociations femme à femme sont plus difficiles à cause d'une espèce de malaise et de méfiance. Quand on a affaire à un homme, la relation est plus simple. Du coup, je ne me sens pas du tout lésée par les hommes dans le tourisme. J’avoue que c'est un métier très agréable qui m’a permis de voir le monde, de voyager et de découvrir d’autres cultures…
Dans les autres métiers classiques, on gère le quotidien avec une certaine monotonie alors que dans le tourisme il y a toujours des « explosions » !! Je pense que pour les femmes actives, le tourisme offre une certaine liberté par rapport aux autres secteurs.
Les gens nous regardent différemment… nous sommes des femmes qui bougent et qui voyagent. Toutefois, c’est un travail qui demande de la disponibilité afin de grimper et de s’imposer dans un milieu où les hommes occupent une importante partie !
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