HAKIM TOUNSI, PDG d’Authentique International: « L’espoir est de retour et j’espère qu’il ne s’agit pas d’un mirage » | Tourismag.com
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Après quelques années d’expérience dans les secteurs touristique, bancaire et des finances, M. Hakim Tounsi, a décidé de se mettre pour son propre compte. Il a créé un Tour Opérateur à Paris. Baptisée « Authentique International », l’entreprise œuvre pour la promotion de la destination Tunisie sur le marché français. Dans cet entretien accordé à TourisMag, Hakim Tounsi, fait une autopsie du tourisme tunisien, met le doigt sur ses lacunes et suggère d'éventuelles solutions à même de dépasser les difficultés et de faire face à la concurrence internationale.

TourisMag : Pouvez-vous nous présenter brièvement Authentique Voyage ?

Hakim Tounsi : Après quelques années d’expérience dans différentes branches du tourisme et notamment, dans la Banque et la Finance, aussi bien en Tunisie qu’en France, j’ai créé Authentique Voyage. Il s'agit d'un Tour Opérateur basé à Paris qui opère sur la destination Tunisie. D’ailleurs, nos réalisations pour cette année atteindraient les 15.000 clients sur la Tunisie. En revanche, nous estimons de réaliser seulement 3.000 clients sur le Maroc qui est une destination lancée il y a à peine une année.

TourisMag : Quelles sont vos perspectives pour la prochaine saison sur la Tunisie ?

Hakim Tounsi : Pour 2008, nous envisageons de réaliser un minimum de 20.000 clients sur la Tunisie. En réalité, c'est un objectif que nous nous sommes fixés pour l’année en cours et qui a été revu à la baisse. Et c'est du essentiellement au ralentissement des départs des Français à l’étranger, notamment au cours du second trimestre 2007. Et ce, en raison des Elections Présidentielles et du ciel exceptionnellement ensoleillé sur toute l’Europe du 15 avril à fin juin.

TourisMag : Comment assurez-vous la promotion de la destination Tunisie à travers votre TO ?

Hakim Tounsi : Plusieurs canaux sont exploités pour assurer une bonne promotion de la destination. Et ce sont des canaux multiples qui vont des plus traditionnels aux plus Hi Tech. D’abord, nous éditons tous les six mois, une très belle brochure distribuée à 50.000 exemplaires, à chaque fois que nous nous adressons aux agences de voyages ou aux clients individuels qui la sollicitent directement. Ensuite, nous entretenons un site Web « B 2 B » ainsi que plusieurs autres sites « B 2 C ». Enfin, nous communiquons beaucoup sur le Net et par tous les moyens de référencement, du naturel au sponsorisé. Sans compter que participons à différents salons et que nous organisons, nous-mêmes tous les ans, plusieurs voyages d’études et de presse.

 

TourisMag : A votre avis, qu’est ce qui manque à la Tunisie pour améliorer sa compétitivité ?

Hakim Tounsi : Personnellement, je persiste à croire que les moyens de promotion et de communication sont déterminants dans  la réussite ou l’échec d’une politique de commercialisation d’un produit, quel qu’il soit. Et c'est sans doute valable pour le produit touristique. Or, le budget de communication le plus colossal au monde n’aura pas un grand impact, si le produit n’est pas bien défini, fiabilisé et structurellement bien présenté, pour que de son côté, la communication soit étudiée et ciblée. Par exemple, sur le marché français qui émet quelque 1,2 millions de touristes sur la Tunisie, la saturation ne vient pas du marché lui-même contrairement à ce qu’on pourrait être amenés à croire, mais plutôt du produit tunisien. Beaucoup de Français vont vers des destinations à des dizaines d’heures d’avion, moyennant des budgets plus importants, à la recherche de produits qu’ils ne trouvent pas en Tunisie, bien qu’elle soit si proche d’eux.

Pour poursuivre son développement, le tourisme tunisien doit se mettre régulièrement à jour et proposer des produits qui répondent à la demande. Il ne faudrait pas se contenter de proposer, à des marchés souvent lointains, des produits dont ne veulent plus les marchés traditionnels, réputés plutôt pour leur proximité ! Aujourd’hui, nombreux sont les hôteliers tunisiens, notamment les indépendants, qui continuent à vouloir vendre une hôtellerie «four tout », avec souvent des clientèles qui ne parlent pas la même langue, qui n’ont pas les mêmes habitudes ni encore moins les mêmes besoins et demandes.

Des francophones avec des germanophones, des slaves avec des latins, des jeunes avec des moins jeunes, des colonies de vacances dans des quatre étoiles destinés et vantés à une clientèle d’adultes en quête de repos, etc. En 2007 par exemple, nous avons collaboré avec une unité hôtelière 4 étoiles. Le partenariat a été fructueux pendant la basse saison, au cours de laquelle nous avons bien travaillé en affrétant un avion auprès de Tunisair et en déployant des efforts marketing et financiers. Malheureusement, à notre grande surprise, la même unité a accepté, successivement au mois d’avril 2007, plus de 150 jeunes en voyages scolaires. L’hôtel s’est alors transformé, en un véritable calvaire pour nous et nos clients, que nous avons du déloger par dizaines, avec ce qui s’en suit comme coût financier et préjudice commercial inestimable. Au bout du compte, nous avons perdu de l’argent et beaucoup de temps pour aider cet hôtel à se constituer une clientèle adéquate à sa catégorie hôtelière. Mais il a suffit d’une décision, pour que les dirigeants de cette unité ruinent tous nos espoirs et nos efforts.

Des exemples d’incompatibilité de cohabitation sont nombreux. Les hôteliers doivent comprendre que les us et coutumes des uns et des autres sont différents. De ce fait, ils ne peuvent pas les ignorer notamment dans la définition de leur produit. Regardez l’exemple d’un pays comme la Belgique, au bord de l’explosion à cause de la mésentente et des difficultés de cohabitation entre Wallons et Flamands ! Les mêmes problèmes de cohabitation sont constatés tous les ans, dans les hôtels, entre Français et Italiens ou Français et Allemands, bien qu’ils soient tous Européens ! L’idée de la nécessité que chaque hôtelier s’inscrive dans une thématique PRODUIT, est aujourd’hui incontournable pour que tout le monde retrouve ses marques et son latin.

Comment voulez vous que l’ONTT ou les privés (pourquoi pas) organisent des campagnes de communication ciblées, « genre Workshop » pour l’hôtellerie tunisienne, si en amont, chaque hôtel prétend répondre à toutes les demandes et à tous les marchés. Or, correctement parlant, il ne répond à aucune demande ni aucun marché.

L’exemple d’organisation des thématiques professionnelles du tourisme tel qu’il est pratiqué par Maison de la France, est intéressant pour créer le modèle tunisien d’organisation et de marketing avec les nomenclatures déjà tracées et enrichies par l’administration tunisienne depuis le démarrage du secteur.

TourisMag : D'après vous, qu’est ce qui explique cette situation ?

Hakim Tounsi : L’hôtellerie tunisienne est brutalement passée d’une situation de facilité, avec une demande abondante et un marché porteur jusqu’à 1990, à une situation concurrentielle très difficile dès la première guerre du Golf en 1991.

La mise en exploitation de millions de lits concurrents dans le monde à commencer par les pays du Bassin Méditerranéen, la première guerre du Golf, la récession économique persistante en Europe, les attentats de 2001 et les guerres qui s’en sont suivies en Irak et ailleurs, sont autant d’éléments qui ont perturbé et déséquilibré les hôteliers indépendants les plus fragiles. Beaucoup d’entre eux n'ont pas pu soutenir le maintien de leurs produits. La dégradation de certains produits a aggravé les phénomènes néfastes persistants et a repoussé davantage le client traditionnel.

Enfin l’instinct de survie (y compris économique), que tout un chacun peut comprendre, a amené plusieurs opérateurs à faire tout et n’importe quoi pour se maintenir et résister, jusqu’à perdre leurs repères professionnels les plus élémentaires.

TourisMag : Quelle serait la solution ?

Hakim Tounsi : Maintenant que l’ouragan est passé, il faut sans tarder retrouver la sérénité pour se remettre au travail selon ses règles loin du stress et de la panique accompagnant les passages de crise. La fierté et les trésors de la Tunisie sont ses hommes. Contrairement à d’autres destinations touristiques où la naissance et le développement du tourisme ont toujours été le fief privatif des groupes financiers internationaux comme dans les pays pauvres du Sud Est asiatique, proie aujourd’hui, et depuis toujours de la dépendance et des excès de tout genre, le Tunisien a bâti son tourisme tout seul. C'est une vérité que personne ne pourra contredire ou nier.

Depuis le démarrage au milieu des années 1960, plus ou moins maladroitement, en empruntant des capitaux (au niveau des individus et de l’Etat), la Tunisie a initié et maîtrisé le développement de son tourisme avec le seul travail et le mérite de ses enfants.

Ceci a un prix que nous avons et continuons à payer mais qui nous permet aujourd’hui de compter parmi les nations les plus prospères et les plus évoluées au niveau de ce secteur. La Tunisie, grâce à ses cadres dans le public et le privé et à son savoir faire dans tous les métiers du tourisme, est consultée, écoutée quand elle n’est pas citée en exemple, et copiée par ses concurrents. Chacun doit aujourd’hui reprendre ses esprits pour continuer le développement du secteur. Les professionnels au niveau de leurs fédérations (FTH, FTAV, etc.) doivent s’organiser. De son côté, l’administration, s’étant engagée dans la voie du libéralisme et de la neutralité, doit quand même jouer son rôle d’arbitre et de garde fou pour que chacun respecte ses engagements vis-à-vis de la loi et par rapport aussi à ses contrats.

Un opérateur qui ne respecte pas la règle du jeu doit être immédiatement sanctionné faute de quoi c’est toute la destination et la profession qui sont discréditées. Aujourd’hui, beaucoup d’hôtels signent par exemple des contrats d’allotements avec les T.O sur l’année. Mais dès l’arrivée de la haute saison, ils préfèrent revendre ces mêmes chambres au plus offrant en adressant aux tours opérateurs des Stop Sale abusifs en évoquant des prétextes divers. Il faudrait malheureusement que l’administration épingle quelques contrevenants de cette nature pour que de telles pratiques ne tentent plus les gestionnaires en quête de gains rapides et faciles pour faire plaisir à leurs banquiers !

TourisMag : Vous avez participé à TOP Résa. Comment évaluez-vous la participation tunisienne ?

Hakim Tounsi : L’espoir est de retour et j’espère que cela ne sera pas qu’un mirage! Les disfonctionnements du tourisme tunisien sont identifiés depuis longtemps. Ils sont comme, disait, un participant au salon, faciles à détecter mais peut être plus difficiles à soigner. La présence de la grande famille du tourisme tunisien à Top Résa conduite par un jeune ingénieur énarque, en la personne du ministre, M. Khélil LAJIMI, a fait renaitre un espoir pour qu’une nouvelle dynamique se mette en place.

Et ce, afin de trouver des réponses aux problèmes du secteur du tourisme en général et du produit en particulier, pour que ce secteur si important dans notre économie retrouve ses marques, ses repères et ses performances. Nous ne pouvons que souhaiter à notre nouveau ministre un GRAND et RAPIDE succès avec, comme il l’a souhaité dans son allocution à Top Résa, l’appui de cadres (ministère, ONTT et secteur privé) de la valeur de ce que possède la Tunisie. .

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