Le verbe haut, la posture fière, le geste ample et souple, la mimique moqueuse, le regard malicieux et faussement détaché…. Lors de sa première rencontre avec la presse, le nouveau Premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi a fait un beau saut-arrière pour retomber dans l’ère de Habib Bourguiba, le père de la Nation.
Sur un air manifestement bourguibien, celui qui a remplacé au pied levé Mohamed Ghannouchi, emporté le week-end dernier par des manifestations de rue, s’est montré à la fois intransigeant et démocrate, ferme et modérée ; rassurant à souhait…
Mais qui est justement ce vieux routier de la politique appelé à la barre pour sauver un pays au bord du gouffre, mais dont le peuple est assoiffé de liberté ?
Pour trouver un nouveau Premier ministre n’ayant pas servi sous Ben Ali, le président par intérim ; Fouad Mebazaâ, n’avait pas, en fait, l’embarras de choix. Il y avait à peine trois ou quatre noms parmi les gens de métier qui pouvaient assurer cette fonction, dont Béji Caïd Essebsi, Ahmed Mestiri et Mustapha Filali. Parmi ces grands noms de l’après-indépendance tunisienne, Caïd Essebsi, 84 ans, est incontestablement celui qui connaît le mieux les rouages de l’Etat.
Estimé par l’ensemble de la classe politique, cet avocat de formation fut plusieurs fois ministre sous Bourguiba. Il avait notamment endossé les portefeuilles de la Défense, de l’Intérieur et des Affaires étrangères. Ancien de la Sorbonne à Paris, Béji Caïd Essebsi, connait bien la France également pour y avoir été ambassadeur dans les années 1970.
Face aux manifestants prêts à se sacrifier pour en finir avec l’ère de la mafia benalienne, le nouveau premier ministre a un atout de taille : il s’est retiré de la vie politique quelques années seulement après l’arrivée de Ben Ali au pouvoir. Mieux: dans son livre «Le bon grain et l'ivraie", Caïd Essebsi a rendu hommage à l'honnêteté du père de l'indépendance et dénoncé, en filigrane, la corruption de son successeur.
La nomination de Monsieur Béji Caïd Essebsi comme Premier ministre avait, dès le départ, tout pour rassurer la grande majorité des Tunisiens qui s’inquiètent de l’avenir de leurs pays. Et pour sa première sortie publique, le nouveau Premier ministre a vraiment rassuré. C’est, en effet, un véritable discours de la méthode auquel s’est essayé le vieux leader ressuscité sous les traits de l’ex-jeune Caïd Essebsi. Il a, primo, remis les choses en ordre, promettant de juger toute personne jugée coupable sous l’ancien régime à commencer par Ben Ali. Il a, secundo, clairement affirmé que la réalisation des objectifs de la révolution sont conditionnées par un retour au travail, rappelant que l’heure est grave. C’est dire qu’il n y a pas que la gestuelle qui rappelle le premier président de la Tunisie indépendante. Mais aussi le discours et la méthode d’un véritable homme d’Etat, d’un bâtisseur….Bon vont Monsieur le Premier ministre…