Révolution du Jasmin. Cette expression que toute la presse internationale s’est appropriée pour désigner la révolte populaire qui a fait effondrer l’autocratie kleptomane que dirigeait Ben Ali comme un château de cartes n’est pas une invention d’un office de tourisme tunisien particulièrement créatif et réactif. Loin s’en faut. Un blogueur libre tunisien, dont la photo était naguère affichée dans tous les postes de police, en revendique d’ailleurs la paternité.
N’en déplaise à nombre de ses compatriotes jugeant l’appellation d’une révolution populaire réprimée dans le sang un peu trop «carte-postalistique », cet esprit libre justifie son choix par le fait que la fleur emblématique de la Tunisie symbolise «la pureté, la douceur de vivre, et la tolérance». Et c’est justement là que réside toute la grandeur des Tunisiens… et de leur révolution. Car la révolution tunisienne n’est pas une insurrection de gens affamés ; de ventre creux. C’était un soulèvement pour la dignité et la liberté. Le point culminant de la renaissance d’une nation. Les jeunes manifestants l’ont d’ailleurs fait clairement apparaître dès les premiers jours du mouvement de contestation en s’époumonant «Nous ne voulons, ni travail, ni du pain ; nous voulons le départ de Ben Ali! ».
Le vieux dictateur déchu symbolisait, en effet, aux yeux de ses compatriotes le mal incarné. N’a-t-il pas durant ses vingt trois ans de règne mis le pays en coupe réglée, muselé toutes les voix indépendantes et jeté dans des geôles obscures des êtres désarmés dont le seul péché était d’avoir porté des idées qui s’accommodaient mal avec les siennes ?
Maintenant que les Tunisiens respirent la liberté, les effluves du jasmin doivent être humés partout… Il ne s’agirait pas de se livrer aux épurations révolutionnaires habituelles. Tout cela est bon pour les autres. Il s’agit, par contre, de répandre le parfum enivrant du jasmin au niveau de tous les aspects de la vie politique économique et culturelle dans ce petit pays sur lequel sont désormais rivés tous les regards. Mais commençons par le plus urgent. Et les urgences post-révolutionnaires sont avant tout économiques comme nous l’a enseigné l’histoire.
Désormais libre et démocratique, la Tunisie veut relancer sa machine économique. Avec l’attraction d’investissements de tous bords et surtout en assurant un retour massif des touristes. Parant au plus pressé, le ministère tunisien du tourisme vient de lancer une campagne de séduction pour faire revenir les touristes, en utilisant les slogans de la Révolution du Jasmin.
«Enfin libre de bronzer », « Tunisie, admirez-la de près », « I love Tunisia, the place to be now » (« j'aime la Tunisie, l'endroit où il faut être en ce moment») seront les principaux slogans de cette campagne publicitaire tout en profitant du fait que le 14 février est aussi la Saint-Valentin, la fête des amoureux.
Internet, qui a joué un rôle clé dans la mobilisation populaire, sera là aussi sollicité pour servir de relais. Un logo sous forme de cœur «I love Tunisia » sera diffusé à large échelle sur les réseaux sociaux, notamment Twitter et Facebook.
Il appartient désormais aux professionnels du tourisme des pays émetteurs comme la France, l’Allemagne ou encore l’Espagne de réagir de leur coté, plus positivement. Il ne s’agit pas comme l’ont fait les responsables des îles Canaries de crier haut et fort que cette crise les arrange et qu’ils attendront des taux d’occupation de 100%, mais de créer une véritable chaîne de solidarité pour soutenir la renaissance d’une nation et la naissance d’une démocratie au cœur d’un monde arabe et africain en proie à de dangereuses dérives dictatoriales…
Il s’agit, en clair, de dire aux touristes en ce jour de la fête de l’amour: «Vous aimez bronzer sous le soleil d’une Tunisie libre et démocratique, dites le avec des voyages aussi bien responsables que solidaires » …
D.D