Montrées du doigt, voire même diabolisées depuis le 14 janvier au prétexte que des milices proches de l’ancien régime les auraient utilisées pour  semer la pagaille, les voitures de location n’ont plus la cote en Tunisie.  Conséquence : les agences spécialisées qui disposent d’un parc de 23000 véhicules et emploient 9000 personnes tirent le diable par la queue. Pour dresser l’état de lieux d’un secteur, qui a été une victime collatérale du désordre qui a suivi la «fuite courageuse» de Ben Ali, nous avons invité M. Naceur Boufarès, président de la Chambre syndicale nationale des loueurs de voiture.

TourisMag : Pouvez-vous nous présenter l’état actuel du secteur de location des voitures ?


Naceur Boufarès : Le secteur est actuellement en crise. La plaque d’immatriculation bleue est partout désignée du doigt. Elle est devenue persona non grata. Tout récemment, un journaliste français qui s’était rendu à Sidi Bouzid à bord d’une voiture de location a failli être tabassé. Son véhicule a failli être incendié.  Cette scène rocambolesque résume l’état de santé de ce secteur sinistré. Toutes les agences de location de voiture ne tournent qu’à 10% de leurs capacités. Ces agences qui disposent d’un parc de 23.000 voitures emploient, pourtant, 9000 personnes.
Il va sans dire que nous subissons aussi de plein fouet la chute de la fréquentation touristique, qui constituait l’essentiel de nos activités.  Avant le désordre qui a suivi la Chute de l’ancien régime, on réalisait 70% de notre chiffre d’affaires en devises.

TourisMag : Les TO ont annoncé une reprise des flux touristiques vers la Tunisie pour le 14 février. Etes-vous optimistes à ce propos ?

Tant que la sécurité n’est pas totalement revenue, l’activité touristique ne pourra pas retrouver  son niveau habituel.  Les touristes étrangers aimeraient bien venir voir ce pays dont la peuple vaillant à fait tomber la dictature, mais ils ne badineront

pas avec leur sécurité.

TourisMag :  Que fait la Chambre syndicale pour sauver le secteur ?

Nous remercions le ministre des finances qui vient de décider le report de la date limite du paiement des vignettes au 5 mars. Les professionnels remercient aussi la Fédération Tunisienne des Sociétés d’Assurances (FTUSA) qui a appelé toutes les compagnies à prolonger exceptionnellement la validité des contrats d’assurances des voitures de location.
La Chambre syndicale a, par ailleurs, pris rendez-vous avec  un vice-gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) et le président de l’Association tunisienne des banques et des établissements financiers pour le report des échéances de paiements des sociétés de leasing.
D’autre part, nous avons contacté la commission spéciale chargée du recensement des entreprises ayant subi des dommages  lors des récents évènements.

TourisMag : Toutes ces mesures sont salutaires, mais  elles restent inscrites dans une vision « court-termiste». Que doit faire la chambre pour assurer la bonne marché du secteur à moyen et à même à long termes ?

Il faudrait d’abord placer le secteur sous la tutelle du ministère du tourisme puisque nous vendons, en définitive, un service fortement lié au secteur touristique. Ensuite, il faut bien que l’Etat vole au secours de ce secteur. Durant plusieurs décennies, nous avons alimenté les caisses du Fonds national de solidarité. Aujourd’hui, il est du devoir de ces mécanismes d’entraide et de solidarité de nous renvoyez l’ascenseur.
Nous réclamons la revalorisation de nos tarifs dans le cadre des contrats signés avec les tour-opérateurs. Jusqu’ici nous ne sommes même pas revenus au niveau des tarifs appliqué avant la crise provoqué par les évènements du 11 septembre 2001.

TourisMag : Le secteur va-t-il quand même tirer profit de la mise à l’écart des agences que contrôlaient certains membres du clan Ben Ali-Trabelsi et dont les méthodes étaient carrément mafieuses ?

Il y avait effectivement une douzaine d’agences qui appartenait à ce clan. Ces agences qui détenaient le monopole des aéroports de façon illégitime ont beaucoup nui au secteur. Ces gens là qui ne payaient pas évidemment le fisc proposaient leurs véhicules à des prix défiant toute concurrence. Nous nous sommes plaints depuis plusieurs années à la Direction du Transport terrestre, mais nos requêtes sont restées sans suite.