Pire que les agences de notation, il y a les tour operators. En effet, pour saluer notre révolution, certains parmi les plus grands d’Europe se montrent d’un cynisme et d’une cupidité sans limite en demandant aujourd’hui des remises de 50% sur l’hiver et de 30% sur l’été, sans prendre aucun engagement sur les volumes à réaliser, ni aucun risque, y compris sur le transport aérien.
A ce prix, ce n’est plus du commerce ; c’est la grande braderie.
En effet, à quoi rime que les TO demandent aujourd’hui des remises de 50% sur des prix déjà « grattés jusqu’à l’os » ? Le seul risque actuellement, pour leurs clients, serait d’être trop choyés par des hôteliers, un personnel et une population qui ont fait la preuve de leur civisme et de leur attachement à leurs clients et hôtes. Aucun incident n’a touché, de près ou de loin, les touristes ni les hôtels.
S’il est vrai que ces TO ont subi des pertes dues aux rapatriements, il est vrai aussi que les hôteliers sont les premiers touchés. Après des décennies de discours sur le partenariat, après des milliards dépensés par nous en publicité conjointe, les TO nous montrent une piètre conception de leur rôle.
Il est temps de faire front pour sauver la saison et de tirer les leçons de ce comportement pour le long terme.
Dans l’immédiat :
• Soutenir les hôteliers et la destination. Il serait judicieux de créer un fonds de soutien aux hôtels en difficulté pour leur permettre de tenir durant les quelques semaines difficiles qui les attendent, afin qu’ils ne cèdent pas trop vite aux pressions des TO. Les 20 millions de dinars qui auraient été récupérés sur la commission d’un intermédiaire pourraient servir au démarrage de ce fonds. Il ne s’agit pas forcément de dons aux hôteliers, il peut s’agir de prêts sans intérêt.
• Opter pour un nouveau plan de communication de crise pour le reste de l’année en réajustant tous nos choix budgétaires en faveur du soutien à la destination et aux professionnels tunisiens. Ces arbitrages doivent donc éliminer « les programmes de publicité conjointe » qui n’ont plus de raison d’être.
A plus long terme :
• Création par les professionnels d’un fonds de soutien. Il est peut-être temps que les hôteliers et agents de voyages pensent à un fonds de garantie et de soutien (de type mutualiste par exemple) pour parer aux défaillances de leurs pairs. Il y va de la crédibilité de tous les professionnels. En effet, qu’il s’agisse d’une défaillance individuelle ou d’une crise qui touche un grand nombre, la profession s’est jusque-là trouvée démunie et en attente d’une solution qui viendrait de l’Etat.
•Revoir nos choix budgétaires.
Notre belle révolution ne semble pas encore imprégner tous les acteurs et commentateurs du Tourisme. Comme la classe politique, la « classe touristique » semble encore tentée par ses vieux réflexes. Et au premier plan de ceux-ci, celui de céder à toutes les demandes des TO : réductions sauvages de prix, publicité conjointe… on a l’impression que le cauchemar du tourisme tunisien continue. Même s’il est humain que le premier réflexe des TO soit « d’en profiter », et celui des hôteliers « de s’en sortir », ces comportements n’en demeurent pas moins blâmables parce qu’ils ont déjà bien plombé les bilans de nos entreprises par le passé, et risquent d’anéantir leur avenir.
Ce que nous offre notre révolution, c’est une chance inouïe de partir du bon pied et de faire ce que l’Espagne a fait il y a plus de dix ans en débloquant 24 milliards d’euros pour améliorer la compétitivité de ses entreprises de tourisme et de ses régions. Autrement dit, l’Espagne a dû, pour garder son rang et sauver son Tourisme, subventionner les entreprises et les régions espagnoles et non pas les TO ni les clients.
Dire qu’il ne faut plus subventionner les TO et concentrer ses moyens sur son propre marketing est une évidence : l’image ne se délègue pas. Cette vérité, nous n’avons jamais voulu l’admettre, même quand elle est assénée par un grand tour operator. C’est ainsi qu’en septembre 2000, David Crossland, PDG du groupe Airtours (qui était alors le plus grand TO européens), déclarait lors de sa première visite en Tunisie : « Sur le marché anglais, la Tunisie réelle mérite de tripler ses chiffres actuels. Si elle ne le fait pas, c’est parce qu’elle n’est pas suffisamment bien vendue ; mon opinion est qu’il faut que vous cessiez de répondre aux demandes de soutien des TO pour concentrer vos moyens sur votre propre marketing et votre propre communication ».
A méditer.