Le mode de vie djerbien traditionnel se résume en une harmonie parfaite entre l’homme et la nature. Entre son labeur et son lieu de vie. Entre son artisanat et son environnement. Mais un jour, les ressources en eau ont tari. Le menzel, exploitation agricole rurale habité dans sa partie houch par plusieurs familles qui se partageaient le travail sur les champs, a fini par être abandonné.

Triste destin que connaîtront également les huileries souterraines et les ateliers de tissage. Djerba, entre-temps, île-jardin, seule île de sable de la Méditerranée, cède au chant des sirènes venues des mers du Nord et au lyrisme des tour-operators.

Certes, l’île s’est doté d’un plan d’aménagement particulier à sa morphologie : terres plates et paysages de palmiers derrière lesquels se cache la blancheur des mosquées à hauteur humaine et la rondeur des dômes des menzel. Le plan insiste pour que les équipements hôteliers ne dépassent pas les deux niveaux. Il n’est pas toujours respecté…

Ces six dernières années, de nouveaux venus sur lesquels le charme de l’île des lotophages a agi comme sur les compagnons d’Ulysse, ont acheté, restauré et rénové des dizaines de houch et de menzel. Bravant les problèmes d’indivision ou les difficultés administratives quant à l’acquisition par des étrangers des biens chez nous, ils font aujourd’hui de Djerba un coin à la mode. Qui sait, un jour peut-être l’île rivalisera avec Marrakech? A condition de travailler pour la doter d’équipements de qualité : de bons restaurants, de musées, de maisons d’hôtes, de boutiques de décoration et d’artisanat typique… huileries souterraines, ateliers de tissage et menzel abriteraient magnifiquement bien toutes ces activités.

Ce serait faire d’une pierre deux coups : sauver un patrimoine en danger, et concrétiser cette idée d’un tourisme culturel et écologique à l’écoute des traditions architecturales et artisanales et respectueux des hommes et de leur art de vivre. Un tourisme qui va comme un gant à Djerba à l’écosystème si fragile. Un projet a fait rêver il y a quelques années tous les fervents défenseurs du patrimoine djerbien : inscrire l’île sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Le projet a fait long feu.

Pourquoi ne pas réfléchir aujourd’hui, en ce Mois du patrimoine finissant, à un plan de protection qui pourrait mieux contrôler les transformations de ses paysages et mieux préserver son âme et son caractère. Djerba le mérite bien.

Par Olfa BELHASSINE