Par Mohamed Khaled Hizem
Ayant connu cinq siècles de christianisation, entre le IIIe et le VIIe siècle de notre ère, la Tunisie a donné naissance à quelques-uns des plus éminents pères de l'Église latine des premiers siècles, dont Saint-Cyprien, décédé en martyr en 258 ap. J-C sous le règne de l’empereur romain Valérien (253-260), fut l’un des plus grands théologiens.
Photo : Gros plan sur le baptistère de Kélibia, conservé au musée du Bardo. Daté du VIe siècle de notre ère,
il constitue une œuvre éblouissante de l'art paléochrétien. (crédit photo : Dennis Jarvis)
Cette longue période a légué au patrimoine national d’admirables collections d’art paléochrétien. Témoins de l'importance du christianisme latin en Afrique du Nord, dont Carthage fut la métropole, accueillant pas moins de dix-sept conciles entre 251 et 525 ap. J-C, les baptistères tunisiens des Ve et VIe siècles se distinguent autant par leur grande qualité d'exécution, que par leur exceptionnel état de conservation.
Œuvre d’art d’une rare splendeur, le baptistère de Kélibia est exposé au musée national du Bardo. Celui-ci, situé à quelques kilomètres du centre-ville de Tunis, est le plus important musée du Maghreb, abritant de remarquables collections archéologiques, notamment l'un des plus vastes ensembles de mosaïques. Ces collections, particulièrement riches, retracent l'histoire du pays sur plusieurs millénaires.
Pièce maîtresse du département d'art paléochrétien, qui conserve d'autres baptistères, des mosaïques, des statues, des sarcophages, des bas-reliefs, ainsi que divers objets relatifs à cet art, cette œuvre remarquable, parvenue intacte, est datée du VIe siècle de notre ère. La cuve baptismale, inscrite dans un carré de 3,3 mètres de côté, fut découverte dans la basilique dite "du prêtre Félix", à sept kilomètres de Kélibia, précisément à Demna au nord-est du pays.
Une vue partielle montrant l'exceptionnelle richesse ornementale, caractérisant les remarquables mosaïques qui couvrent entièrement le baptistère de Kélibia. (crédit photo : Dennis Jarvis)
Possédant un bassin quadrilobé, dont chaque bras comporte un degré pour la descente, elle est entièrement revêtue de superbes mosaïques représentant de nombreux symboles chrétiens : croix, colombes, poissons, dauphins supportant un chrisme, cierges, calices, ciborium, rameaux d'olivier, etc. Le fond est orné d’une croix latine, dont le bras inférieur est flanqué de l’alpha et de l’oméga, qui sont la première et la dernière lettre de l’alphabet grec. Celles-ci font allusion à l’immortalité de Jésus-Christ.
Garnissant le rebord de la cuve, des inscriptions latines fournissent les noms des commanditaires. Le texte de celles-ci est comme suit : « En l'honneur du saint et bienheureux évêque Cyprien, chef de notre église catholique avec le saint Adelphius, prêtre de cette église de l'unité, Aquinius et Juliana son épouse ainsi que leurs enfants Villa et Deogratias ont posé cette mosaïque destinée à l'eau éternelle »;
Au sujet de cette ornementation foisonnante, l’archéologue français Christian Courtois (1912-1956), spécialiste de l’Afrique du Nord antique, estime que l’œuvre présente « un des plus beaux ensembles de mosaïques chrétiennes qui aient été trouvés en Afrique, et même, en son espèce, dans l'ensemble du monde romain ».
Ce joyau patrimonial, parvenu intact, est considéré, à juste titre, comme l'un des baptistères les plus beaux et les mieux préservés de l'art paléochrétien en méditerranée.