Le chef du parti islamiste Ennahda qui détient le pouvoir en Tunisie, Rached Ghannouchi, a demandé aux salafistes de faire preuve de sagesse pour asseoir leur pouvoir face aux laïcs qui contrôlent encore médias et institutions, dans une vidéo largement relayée mercredi sur les réseaux sociaux.
R. Ghannouchi y opposait les salafistes qui doivent préserver leurs acquis avec sagesse aux laïcs qui peuvent rebondir après leur échec aux élections d'octobre 2011. Il mettait en garde contre la résurgence du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, parti de l'ex-président Ben Ali, dissous en mars 2011), déclarant : " l'armée et la police ne sont pas sûres et les Rcdistes sont de retour ".
le parti islamiste est régulièrement accusé de chercher à faire main basse sur les instiutions de l'Etat, dont notamment la police, ainsi que sur les médias. "Je dis à nos jeunes salafistes de patienter (...) pourquoi se précipiter? Prenez votre temps pour capitaliser les acquis", ajoute-t-il, leur conseillant de créer des télévisions, des radios, des écoles, des universités.
R. Ghannouchi mettait aussi en garde contre un retournement de la situation contre les islamistes. "Croyez-vous qu'il n'y aura pas de retour possible en arrière? C'est ce que nous avions cru vivre en Algérie dans les années 90, mais notre jugement était erroné: les mosquées sont retombées dans les mains de laïcs et les islamistes ont été de nouveau persécutés", poursuit-il.
Selon lui," il y a eu régression en Algérie, alors même que le camp laïc y était moins fort qu'en Tunisie et que les islamistes y étaient plus puissants". Et d'ajouter que "malgré leur échec aux élections, les forces laïques dominent toujours les médias, l'économie, l'administration, les institutions".
Sur les dérapages sécuritaires, R. Ghannouchi a indiqué que la police échappait à l'autorité du ministre de l'Intérieur Ali Larayedh (islamiste)."La police échappe encore à notre autorité parce qu'en grande partie, elle est liée aux laïcs", lance le chef islamiste qui a une forte influence sur le gouvernement.
R. Ghannouchi a ironisé sur l'absence de mention de la charia (loi islamique) dans la future constitution: "Bataille inutile, du moment que le mot islam est présent, cest du pareil au même"!, prêche-t-il.
Ennahda a aussitôt affirmé que la rencontre entre son chef et un groupe de jeunes salafistes remontait au mois de février et que ses déclarations avaient été l'objet d'un montage pour les sortir de leur contexte. "Cette vidéo, qui a suscité un début de polémique, a été truquée", a déclaré Amer Larayedh, un dirigeant d'Ennahda, affirmant que le discours du chef islamiste tenu en février et diffusé en avril avait été manipulé avant d'être posté mercredi par des anonymes sur le net.
L'opposition a qualifié de "très grave" le contenu de la vidéo illustrant le double discours d'Ennahda. "R. Ghannouchi jette le discrédit sur des institutions, cet homme leur doit des explications, a réagi Issam Chebbi du Parti républicain (centre) sur radio Mosaïque FM". Le gouvernement dirigé par Ennahda est souvent accusé de laxisme envers les salafistes.