Par Wahid Ibrahim
La perspective d’ouverture du ciel tunisien en Novembre 2011, c’est à dire dans moins d’un an, occupe l’espace de discussion des milieux du transport et du tourisme et préoccupe certains de ses acteurs.
Qu’en sera-t-il au juste ?
Voyons d’abord de quoi il s’agit et précisons-en le contexte. Jusque là, les accords aériens entre pays relevaient du bilatéralisme et les deux parties devaient s’entendre notamment sur un certain nombre de vols, de compagnies et d’aéroports.
Aujourd’hui, avec l’intégration européenne, la Tunisie a face à elle un seul vis-à-vis qui signe les accords au nom de tous ses pays membres. C’est ce qu’on qualifie de multilatéralisme.
De plus, comme la Tunisie s’est résolument engagée dans la dynamique commerciale mondialisée avec ses cortèges de facilitations, de démantèlement de toutes les barrières conventionnelles et d’élimination de toute forme de protectionnisme, elle se devait d’ouvrir le ciel tunisien à toute initiative de transport aérien en provenance de l’Europe. Cela veut dire qu’à partir de Novembre 2011, n’importe quelle compagnie européenne ou tunisienne peut opérer des vols sans limitation de nombres, de compagnies ou de points de départs et d’arrivée.
Quelles pourraient en être les conséquences ?
Qu'en sera-t-il après l'avènement des compagnies Low Cost?
La configuration actuelle de l’offre touristique tunisienne faite de quasi monolithisme balnéaire et de non maîtrise des circuits de commercialisation directe(B to C) fait que le packaging TO restera encore dominant pour encore longtemps.
Les compagnies Low Cost, s’adressant essentiellement à une clientèle individuelle qui achète sur internet ne seront pas très sollicitées car le tourisme tunisien, n’étant pas encore « web compatible », n’est pas actuellement en mesure de proposer des prestations de transfert, de location de voitures et surtout d’hébergement réservables et payables sur un simple click.
De plus, les packages des TO, grâce à la chartérisation, continueront à demeurer de loin plus compétitifs que ceux qu’on peut confectionner via le self packaging. La culture du commerce électronique mettra du temps à se généraliser auprès des prestataires touristiques tunisiens .Et à supposer qu’elle connaisse un début viable et significatif, il faudra crédibiliser l’offre de produits d’intersaison et mener des campagnes puissantes de communication pour convaincre et attirer une clientèle individuelle adepte de self packaging.
Tenant compte de ces réalités structurelles, les compagnies nationales tunisiennes continueront à rester très performantes au niveau du trafic charter entièrement nolisé et du trafic régulier qui permet de recourir aux formules de block-space et du part charter. Donc, au niveau du trafic touristique pur et dur, et pour les raisons invoquées ci dessus, les compagnies low cost ne devraient pas connaître le succès qu’elles ont trouvé en Turquie ou au Maroc. Et si dans le cas du Maroc, on objecte que le Low Cost n’a pas généré davantage de nuitées hôtelières, c’est parce que le pays dispose d’une offre développée de résidences et de logements para hôteliers. Ce qui est loin d’être le cas en Tunisie.
Par contre, les compagnies Low Cost pourraient capter une certaine part du marché des hommes d’affaires et des TRE qui, séduits par le bas niveau des tarifs, voudront multiplier leurs escapades dans leur pays d’origine. Ces derniers ne seront pas sensibles à l’argument différenciateur du repas et des boissons gratuites à bord de Tunis Air car, s’agissant de vols moyens courriers d’à peine 2 heures, l’avantage tarifaire leur fera prendre un casse croute et une boisson avant l’embarquement. L’essentiel pour eux demeurera d’arriver à destination vite et en toute sécurité. Toujours dans ce contexte, les compagnies européennes auront également la possibilité de pratiquer le cabotage aérien consistant à prendre le client au départ d' un aéroport et de le ramener vers un autre ou de faire du "ramassage" à partir de plusieurs aéroports situés dans plusieurs pays d’Europe. Cette flexibilité serait de nature à gêner la compagnie Tunis Air qui ne dispose pas d’une flotte capable de contrer une telle concurrence.
Sur un autre plan, il convient de préciser que la logique du Low Cost (bas coûts) n’est pas celle du low fare (bas tarifs).Le Low Cost, malgré ses avantages compétitifs au niveau de l’exploitation, pratique une dynamique tarifaire qui fait que ses tarifs ne sont pas toujours les plus bas ? L’avion est "saucissonné" en tranches tarifaires qui vont du prix d’appel symbolique vers des niveaux qui dépassent parfois les tarifs de compagnies normales. Avec la flexibilité et les services gratuits en moins.
Tunis Air, à mon avis, ne doit pas paniquer outre mesure .Elle doit faire de la résistance en opérant une véritable révolution en matière de charges d’exploitation et en cherchant des éléments de synergie avec les autres compagnies battant pavillon tunisien. Elle doit trouver les bonnes « pistes »pour demeurer flexible et compétitive.
Le low fare passe inévitablement par la maitrise des coûts.
Quant aux agences de voyages tunisiennes, leur activité billetterie pourrait connaître quelques bouleversements dans la mesure où l’achat d’un billet Low Cost sur internet détournera une partie de la clientèle. Toutefois, elles peuvent sauvegarder une bonne part de clientèle si elles renforcent leur capacité de conseil et de protection du client. Elles doivent notamment inventer de nouveaux services, être plus réactives et ne pas perdre de vue que leur rétribution sera exclusivement du ressort du client et non d’une commission consentie par les transporteurs.
Le e-tourisme est une déferlante qui ira en s’accentuant. La destination doit en être consciente. Les transporteurs, les agences de voyages et les hôteliers aussi.
Jusque là, ils ont cherché à fidéliser leurs partenaires TO. Désormais la bataille se gagne dans la fidélisation du TO et du client.