Deux mois et demi après la catastrophe du Concordia et un mois après l'avarie de l'Allegra, Costa Croisières veut aborder l'avenir avec optimisme. Les réservations repartent, le soutien des partenaires est toujours aussi important et le croisiériste, présent au Ditex, n'entend pas se laisser couler par les rumeurs ou la médiatisation à outrance. Georges Azouze, PDG de Costa France, fait le point sur TourMaG.com.
Georges Azouze : "Nous avons enregistré assez peu d'annulations suite à la catastrophe du Concordia, en janvier 2012, bien que nous ayons laissé la possibilité à nos clients d'annuler leur croisière sans frais jusqu'au 7 février 2012.
Par contre, nous avons constaté un fléchissement des nouvelles réservations durant quelques jours, même si le rythme était pratiquement en ligne avec celui de février 2011.
Elles redémarraient même normalement, juste avant l'avarie du Costa Allegra.
Mais là encore, le phénomène de drop des nouvelles réservations a été très conséquent sur quelques jours, alors que nous comptions peu d'annulations.
La bonne nouvelle reste que la semaine dernière, nos bookings étaient supérieurs à ceux de 2011. Dès que les médias arrêtent de parler de nous, nous constatons un quasi-retour à la normale.
Et puis, nous venons de lancer une action promotionnelle vers notre réseau d'agences, avec 50% de réduction pour la 2e personne sur l'été."
G.A. : "Nous n'avons aucun litige avec les agents de voyages, tout simplement parce que nous sommes en contact direct avec tous nos clients et avec le collectif qui s'est créé à la suite de la catastrophe du Concordia.
Nous avons effectué le remboursement de tous les frais inhérents pour les clients (croisière, acheminement, etc. ) et avons dédié 5 à 6 personnes de notre call-center à la gestion des dossiers des passagers du Concordia.
En ce qui concerne l'indemnisation de 11 000 euros, les clients ont jusqu'au 13 mai 2012 pour se manifester."
TourMaG.com - Cette indemnisation commune à tous les passagers a été vivement critiquée par les collectifs de victimes, qui ne la trouvaient pas assez personnalisée et avec un délai de réponse trop court, contrairement à ce qui peut se pratiquer en cas de catastrophe aérienne...
G.A. : "La somme a été calculée en fonction de la jurisprudence dans ce type de cas, qui est d'ailleurs assez rare.
On ne peut pas la comparer avec celle qui s'applique lors d'un crash aérien, car dans ce cas précis, la plupart du temps, il n'y a pas de survivant.
Alors que dans le cas du Concordia, les clients sont rentrés chez eux, choqués - je les entends parfaitement, mais plus psychologiquement que physiquement.
Bien évidemment, les passagers qui ont gardé des séquelles physiques sont traités différemment.
Il en va de même avec les familles des défunts, dont celles des 6 Français, avec lesquelles Costa traite en direct.
Mais je le répète : il n'y a aucun litige. De même, les dossiers des clients qui auraient dû voyager sur le Concordia après sa disparition ont été évalués et reprotégés, agence par agence, client par client.
Si nous avons eu des litiges, ils ont été réglés dans l'heure et ne sont pas liés à la catastrophe du Concordia ou à l'avarie de l'Allegra."
G.A. : "C'est une question à poser aux actionnaires de Costa. Justement, ils étaient réunis il y a peu au Sea Trade à Miami et ont déclaré avoir une totale confiance en la marque et la compagnie, qui dispose, rappelons-le, d'une histoire de shipping très importante, depuis 1924.
A mon avis, la marque ne disparaîtra pas, car elle dispose de racines solides qui vont lui permettre de se reconstruire.
Si elle a été frappée par 2 crises successives, mais de natures totalement différentes, les fondamentaux de la marque sont assez forts pour la faire perdurer.
Bien sur, nous sortons de cette crise avec une certaine gravité dans notre gestion, on ne peut pas oublier ce qui vient de se passer, mais nous sommes aussi fiers de ce que nous sommes et d'où nous voulons aller.
Nous souhaitons aborder l'avenir avec gravité donc, mais aussi avec responsabilité et optimisme, car Costa a les moyens de reconquérir le marché.
Je trouve tout de même aberrant tout ce qui est dit sur le manque de formation de nos équipages alors que nous avons créé 8 centres de formation et que nous traitons tous les membres de la même façon. Il n'y a qu'à regarder le taux de fidélité très important sur les bateaux.
Nos valeurs sont totalement à l'opposé de l'image low cost que l'on cherche à nous attribuer.
La vérité doit être rétablie par rapport à la responsabilité morale que nous avons envers les passagers du Concordia et les disparus."
TourMaG.com - Comment percevez-vous personnellement toutes ces atteintes à la marque ?
G.A. : "Quand on est dans la compagnie depuis 26 ans, on vit cela forcément comme une épreuve personnelle.
Il ne s'agit pas de mes enfants, ni de ma famille, mais j'ai tellement d'implication depuis 1985, année où nous avions démarré la première saison en France avec 450 clients.
Depuis le début des années 2000, nous avons gagné 1,5 million de clients en 10 ans dans le monde. Il s'agit là d'une fantastique aventure humaine.
J'ai le sentiment d'avoir contribué au développement de la croisière et c'est pour cela que j'ai vécu les récents événements comme des épreuves personnelles, difficiles à accepter. Mais il fallait faire le job, défendre la compagnie par rapport à certaines accusations.
Au départ, il s'est installé un mélange de stupéfaction et une immense tristesse. C'était très dur de croire ce qui venait de se passer. Mais très vite, dans les premières heures de la catastrophe, il a fallu s'organiser au mieux, élaborer toute une chaîne de taches.
Puis est venu le temps de la réflexion sur l'avenir de la compagnie, et le moment de prouver aux partenaires que nous pouvons rebondir.
Chez Costa, nous avons tous été atteints par ce qui s'est passé et nous sommes toujours restés proches des victimes par la pensée.
On ne peut pas oublier cette catastrophe, au même titre que toutes les bonnes choses qui nous sont arrivées ces derniers temps, comme un film, de nouveaux bateaux, etc."
G.A. : "Nous voulons prouver à nos clients que nous sommes la compagnie la plus sûre au monde.
Cette volonté passera, d'une part, par un travail sur le process de sécurité et des actions auprès des États pour faire changer les lois, notamment sur le fait que le commandant ne doit pas être le seul maître à bord.
Parmi les propositions à l'étude, nous envisageons la création d'une tour de contrôle qui nous permettrait de connaître en permanence la position de nos navires.
Nous pensons également changer les costumes des officiers pour que les clients les identifient mieux.
Les exercices d'abandon du bateau ont été revus depuis le mois de février et des audits de sécurité ont été commandés par la maison-mère, Carnival pour améliorer le process de sécurité en cours.
Par ailleurs, nous souhaitons nous appuyer sur nos clients fidèles, repeaters et membres du Costa Club pour nous relancer. Ceux-ci verront leur fidélité récompensée."
TourMaG.com - Et sur le réseau de distribution ?
G.A. : "Les agents constituent notre premier et principal appui. Ils sont en quelque sorte les porte-parole de Costa et la reconquête passera par eux.
D'ailleurs, dès les premiers instants de la catastrophe du Concordia, nous avons reçu un soutien sans faille des partenaires et des distributeurs, tout comme des témoignages de clients qui se posent des questions mais nous renouvellent leur confiance.
Concrètement, une vingtaine de roadshows sont en cours dans plusieurs villes de France, métropole et Antilles, durant lesquels les agents reçoivent des explications sur les mesures prises et le process de sécurité.
Nous sommes également présent sur le Ditex d'Avignon (qui se clôture ce vendredi 30 mars 2012, ndlr).
Enfin, je saluerai tout particulièrement Michel Dinh, directeur général du réseau Havas Voyages, qui n'a pas hésité à nous confier l'organisation de ses forces de ventes, réunissant 500 vendeurs."
G.A. : "L'enquête est en cours et n'appartient pas à Costa. Je n'ai donc aucun accès à l'information, ni ne connais sa date de sortie. Mais j'attends de comprendre ce qui s'est passé sur le Concordia, un bateau qui avait passé tous les contrôles en novembre 2011 et datait de 2006.
Ce que je retiens de cette tragédie, c'est le courage des 1000 membres d'équipage qui ont fait leur job jusqu'au bout.
Et notamment notre Hotel Manager, responsable de l'ensemble des services hôteliers du bateau, qui est resté coincé durant 48h sur le navire avec la jambe cassée et qui se trouve toujours à l'hôpital, pour avoir fait son travail avec héroïsme."
TourMaG.com - Qu'avez-vous à répondre aux rumeurs de travailleurs clandestins et de trafic de drogue à bord de vos navires ?
G.A. : "Ces propos relèvent du délire. D'ailleurs, ce sont exclusivement des témoignages anonymes ou des récits comme celui de cette infirmière qui parlait de drogue et de prostitution alors que nous l'avions licenciée et débarquée.
Ou bien cette femme qui a déclaré avoir perdu son enfant après l'accident du Concordia, alors qu'elle n'était ni enceinte, ni même sur le bateau !"
source: TourMag