Entre la Côte d’or, la Saône-et-Loire et le Jura, les Voyages Girardot cultivent leur pré carré depuis près de 90 ans. Représentant la 4ème génération, Pascal Girardot, directeur général du pôle loisirs et accessoirement la plus célèbre moustache du tourisme, prend la suite d'Yves Verdié dans notre tour d'horizon sur les mini-réseaux.
Pascal Girardot : "Il y a beaucoup d’attentisme de ce côté-là . Le voyage l’intéresse, mais il le diffère. Nous l’avons bien vu sur notre salon du mois de janvier.
Un succès de fréquentation, avec 8 000 visiteurs très motivés, mais des visiteurs qui attendent de jours meilleurs ou une bonne promo.
Les élections renforcent cet attentisme qui touche tout le monde, y compris la clientèle senior.
La crise, la baisse des retraites, le soutien financier aux enfants, voire aux petits enfants, ça les rend attentifs à leurs dépenses.
En revanche, nous constatons une hausse d’environ 10 % sur le panier moyen. Moins de clients donc, mais des clients qui partent en catégorie supérieure, plus loin et plus longtemps, 10 jours au lieu de 8 par exemple.
Il y a aussi une certaine érosion des ventes internet, notamment sur les ventes entrée de gamme. Avec le pouvoir d’achat actuel des ménages, les gens qui achetaient la Tunisie se rabattent sur la France, sur le camping, les gîtes, les chambres d’hôtes, la famille ou les amis.
Cette clientèle nous échappe. Cela dit, dans le tourisme, on trouve de tout à tous les prix, sans toujours savoir ce qu’il y a dedans. Résultat, le client est déboussolé, il a du mal à s’y retrouver dans l’échelle des valeurs."
P. G. : "Nous avons traversé une période de fusions et de regroupements. Ça semble se stabiliser.
Les cartes sont un peu redistribuées mais dans l’ensemble, on se retrouve dans une situation globalement identique.
Chez les fournisseurs, il y a des nouveaux entrants, des mourants, des ressuscités.
Dans ces conditions, mieux vaut laisser les gens faire leurs preuves. Pour ce qui est d’internet, c’est plutôt le comportement du client qui nous impose cette concurrence.
Grâce au web, il est très informé et n’achète en agence que s'il a confiance. Le problème pour internet, c’est la surinformation, la surabondance des informations et des sources. Il n’empêche que le client consulte, lit et retient ce qu’on lui dit. Si vous recommandez un hôtel mal noté sur internet, par exemple, il vous le fera remarquer.
Nos ventes en ligne fonctionnent bien mais, à mon avis, le client revient doucement vers les agences ; il a sans doute compris que ce n’est pas forcément moins cher sur le web…
Il a surtout besoin de trancher entre toutes les recommandations qu’il y peut trouver. C’est là que l’agence peut jouer son rôle d’expert pour un client qui a des exigences parfois surréalistes."
TourMaG.com - Face à la bipolarisation du marché, que pensez-vous du modèle économique entre la distribution et la production ?
P. G. : "Si vous parlez du commissionnement, les TO se fourvoient s’ils imitaient les compagnies aériennes. Ils se couperaient des agences qui se remettraient aussitôt à forfaitiser pour leur compte. C’est ce qu’elles faisaient à l’origine et c’est ce qui se fait de plus en plus, car l’offre des TO ne répond pas toujours à la demande des clients.
La question des stocks est également un enjeu majeur pour les producteurs comme pour les distributeurs. Nous ne travaillons qu’avec ceux qui ont du stock immédiatement vendable.
Or ce stock est aussi un risque : une chaîne d’avion, par exemple, c’est un engagement lourd qu’on ne peut pas modifier d’un coup de baguette magique lorsqu’une destination est en difficulté. Reste qu’un TO sans distribution ne peut rien vendre et qu’un distributeur sans TO n’a plus rien à vendre, même si il fait du packaging.
Si demain, nous n’avions plus de référencement, les agences devraient tout produire. Est-ce que les réseaux sont prêts pour ça ? Il faut donc qu’on s’écoute et qu’on travaille dans un réel partenariat pour aller plus loin.
Évidemment, il faut que les prix du TO soient dans le marché. Sinon il ne sera pas vendu parce que, dans le jeu du référencement, il y a une concurrence interne, et parce que en dernier ressort, surtout si le client lui fait confiance, c’est le vendeur qui fait le choix.
Il n’est marié à aucun fournisseur et, sauf pour le Club Med, le client exige rarement une marque en particulier…"
P. G. : "Il est toujours plus fort qu’un indépendant solitaire ; il est aussi toujours moins puissant qu’un grand réseau national. Son premier avantage, c’est la proximité et un schéma court entre le client et l’enseigne. Ensuite, c’est la réactivité, car la chaîne de décisions est elle aussi très courte, très rapide.
Si l’on creuse encore par rapport à un indépendant « mono-agence », un mini réseau peut mutualiser ses frais entre ses différentes agences, tout en faisant baisser ses coûts par l’augmentation de ses volumes de ventes. Il faut encore ajouter la force régionale que représente le maillage local du mini-réseau.
Pour couronner le tout, nous allions ces avantages à la réputation d’une enseigne nationale qui nous apporte un référencement, une centrale et une puissance d’achat aussi intéressante pour nous que pour nos fournisseurs."
TourMaG.com - Enseigne ou franchisé, que préconiseriez-vous ?
P. G. : "J’ai fait le choix de la distribution et celui d’une marque distributeur avec Sélectour. La force de ce choix, c’est la neutralité que nous garantissons aux clients. Nous avons bien eu des opportunités pour adopter une marque de producteur, mais finalement le jeu ne nous a pas tenté.
En revanche, pour la production, essentiellement du GIR, du groupe et du réceptif, nous avons gardé notre enseigne. Au niveau régional, elle nous ouvre des portes dans les CE, par exemple, ou dans les Office du tourisme…"
TourMaG.com - Les activités transport et production sont-elles une force de négociation supplémentaire vis à vis de vos fournisseurs loisirs ?
P. G. : "Le référencement AS Voyages nous convient donc nous n’avons de négociations propres. Quand au transport, il n’a rien à voir avec la distribution, sauf en terme d’image de marque, avec les cars qui circulent sous nos couleurs.
En fait, dans les négociations, notre poids, c’est surtout notre capacité à faire du commerce. Cela étant, c’est vrai aussi que, pris ensemble, nos trois métiers rassurent."
P. G. : "On est allé loin, mais pas tant que ça dans le fond… Nous venons de fêter les 90 ans de l’entreprise dans le transport et le loisir. Nous en sommes à la 4ème génération familiale.
La première clé, c’est de construire son développement avec sérieux, pas à pas, parfois avec des opportunités le plus souvent avec des ouvertures, comme l’agence spécialisée dans la croisière que nous avons ouverte en 2006, ou l’agence du Jura que nous avons ouvert récemment.
La seconde clé, c’est de rester régional, en développant au maximum nos parts de marché : il faut avant tout maîtriser son pré carré. Je n’ai d’ailleurs aucune légitimité à Paris, par exemple, ou sur la Côte d’Azur.
Enfin, la dernière clé, c’est de capitaliser sur l’image de marque car quand on ouvre une agence, les ventes démarrent très vite."
TourMaG.com - Comment gérez-vous vos relations avec AS Voyages ?
P. G. : "Nous sommes adhérents de Sélectour depuis 30 ans ; il faut croire que l’on est satisfait. Après certains rachats, nous avions quelques agences AFAT, mais nous avons choisi Sélectour.
Il y a d’abord le bon équilibre entre l’image national du réseau et notre autonomie locale qui nous permet de développer certaines spécificités supplémentaires sans que le réseau n’interfère dans notre travail.
Et puis, les référencements sont assez bons pour que nous puissions nous décharger des tâches administratives et nous concentrer sur la vente."
TourMaG.com - Comment vos partenaires financiers voient-ils votre développement ?
P. G. : "Le tourisme est rarement bien vu par les banquiers : il n’y a pas assez d’investissements et à leurs yeux, notre seule valeur ajoutée, c’est la qualité de nos collaborateurs et celle de notre portefeuille client.
Un point positif, cependant, c’est la liquidité que génère notre volume d’affaires.
Alors bien sûr, nous faisons partie d’un ensemble qui, en plus de ses flux financiers, jouit d’une certaine notoriété et dispose d’une flotte de cars. Devant un banquier, ça pèse évidemment. Les trois métiers sont plus forts ensemble qu’individuellement."
P. G. : "Nous ne pesons pas assez pour qu’ils se sentent sous pression. En fait, notre développement est un bonus pour eux s’ils savent en profiter pour développer les relations commerciales par leur efficacité et leur réactivité.
Il faut aussi que leur rapport qualité/prix soit bon, car nous sommes réputés régionalement pour ça."
TourMaG.com - Et votre personnel ?
P. G. : "Avec la notoriété, la qualité de nos collaborateurs est le véritable capital de l’entreprise. Notre développement s’est toujours donc appuyé sur des gens qu’on sentait en limite de rupture, soit parce qu’ils avaient fait le tour de leur job et aspiraient à autre chose, soit parce qu’ils avaient une idée ou une opportunité à saisir.
Ce fut le cas pour l’agence « croisière », mais aussi pour l’agence ouverte dans le Jura. Et puis avec notre taille, qui reste humaine, on se connaît tous.
Par ailleurs, le rythme de notre développement permet aussi d’accompagner nos collaborateurs dans la durée, par exemple en créant de nouveaux postes selon les besoins qui surgissent avec l’évolution de l’entreprise.
Certains de nos collaborateurs ont 15 ou 20 ans de maison, d’autre en ont 5… ce mélange entre le recul et l’expérience des anciens avec le sang neuf et l’adaptabilité des nouveaux arrivants fonctionne bien."
Parallèlement, les 4 sites de transport rassemblent 205 personnes et 120 autocars dont 1/3 classé tourisme.
En 2011, avec 22 000 clients, la distribution termine son exercice sur un chiffre d’affaires de 20 M€, auquel il faut ajouter les 10 M€ de la production et les 10 M€ du transport.
source: TourMag