''En ce moment, je travaille avec TUI pour trouver un accord qui me fera sortir de Havas au mieux des deux parties."Après trois générations de Piot à sa tête, Prêt à Partir cultive une indépendance farouche et le bon sens qui s'ajoutent à l’enracinement local et à la fiabilité de ses engagements. Nouveau volet de notre série sur les mini-réseaux, c’est au tour de François Piot, le Pdg de Prêt à Partir, de nous présenter ce Groupe familial.
François Piot : "Sur 2012, pas de visibilité, ni sur 2013, voire 2014. Avec un Printemps Arabe qui pèse toujours.
Nous avons également des concurrents puissants qui sont très agressifs sur le marché.
Nos clients nous disent qu’ils ont 5 ou 8 % chez tel ou tel ; alors, même à contrecœur, on s’aligne mais cela donne de très mauvaise habitude aux clients et ce sera difficile de remonter.
Globalement, les chiffres du tourisme sont au niveau de 2011, ce qui est médiocre, pas catastrophiques mais mou… Avec des inquiétudes plus vives sur les groupes.
Le marché affaires va bien, mais ça change si vite… C’est un diagnostic valable dans toutes les régions où Prêt à Partir est implanté, avec des nuances selon les agences.
À court terme, je dirai que nous sommes tournés vers une gestion très fine, nous courrons après le moindre euro…
Et pour l’avenir, nous investissons dans des gros chantiers internes, comme la technologie et la formation de nos collaborateurs.
Il n’y a aucun cocorico mais pas non plus de pessimisme.
Le panier moyen est en hausse et nous voyons les deux extrêmes, le chercheur de bonnes affaires et la clientèle aisée, émerger clairement tandis que la famille et M. Tout-le-monde manquent à l’appel.
Une tendance conjoncturelle due à la crise ; reste à savoir combien de temps durera la crise… ?"
F. P : "Nous ne sommes pas des acheteurs forcenés. En fait, travaillons surtout avec des partenariats à long terme ; c’est un peu notre spécificité.
Je n’aime pas remettre nos accords en cause tous les ans ; c’est rassurant pour nous et pour nos fournisseurs.
C’est d’ailleurs le cas aussi, quand nous travaillons avec des concurrents.
Avec Euro-Moselle, par exemple. Depuis 9 ans, ils sont concurrents de mes agences, mais en même temps, ils sont clients de nos autocars tandis que nous revendons leur production. Même chose avec TUI…
Dans l’ensemble, il ne s’agit pas seulement de vendre mais de voir aussi comment ont fait pour créer ensemble de nouveaux clients.
Pour construire une telle relation de confiance, évidemment, il faut déjà bien s’entendre avec ses interlocuteurs."
TM. Com - Face à la bipolarisation du marché, pensez-vous que la maîtrise du stock (hôtelier et aérien) soit de plus en plus vitale ?
F. P : "C’est sûrement un handicap pour les tour-opérateurs, parce qu’ils doivent s’engager financièrement, avec tous les risques que cela comporte.
Cet engagement va avec le tourisme de masse, mais il reste toute une part de marché, disons de 20 à 30 %, où l’on peut travailler sans pour autant faire de la haute couture.
D’ailleurs, je note que les clients ont de plus en plus tendance à dépackager leurs achats.
Auparavant, comme disait Ford à propos de ses voitures, le client avait le choix de la couleur à condition qu’elle soit noire.
Aujourd’hui, nous travaillons directement avec des réceptifs… 20 à 25 % de notre activité provient des ventes à la carte, à la manière de Privilège Voyages qui fait lui 100 % de sur mesure et que nous commençons à revendre.
Ce segment est mal appréhendé par les TO et ça laisse pas mal de place pour les petites maisons."
F. PÂ : "Nous avons fait le choix de rester de purs distributeurs.
D’autres font de la production, mais pourquoi aller chercher ailleurs quand vous avez des relations pérennes avec un TO fiable et compétent qui propose des produits de qualité ?
Cela dit, il est vrai que les rapports producteurs et distributeurs se tendent ces temps-ci. Chacun essaie de diminuer ses coûts…
Pourtant, distributeur ou producteur, le seul moyen d’en sortir, c’est de faire des économies, de devenir "low cost", comme Marmara, dont les ratios sont impressionnants."
TM. Com - Enseigne ou franchisé, que préconisez-vous ?
F. P : "Enseigne sans hésiter. Le franchisé n’est jamais chez lui, il n’est jamais propriétaire de ses clients ; il n’encaisse pas les acomptes qui vont directement chez le franchiseur quel qu’il soit, comme dans l’aérien en fait.
De plus, sa commission est amputée des frais de siège et il est même question qu’on lui ne reverse cette commission qu’au moment du départ ! Je ne crois pas que la franchise soit réellement adaptée à notre métier.
Dans le fond, un franchiseur veut surtout des franchisés pour s’implanter là où c’est trop cher pour lui. Pour moi, le franchisé est l’esclave du franchiseur…
Par ailleurs, j’ai fait le choix de ma propre marque. En ce moment, je travaille avec TUI pour trouver un accord qui me fera sortir de Havas au mieux des deux parties."
TM. Com - Votre activité d'autocariste est-elle une force supplémentaire vis à vis de vos fournisseurs loisirs ?
F. P : "Non, pas vraiment, car c’est une activité séparée et que nous cherchons de toute façon la rentabilité pour chacun de nos métiers.
Cela dit, cette activité est assise sur des contrats longs, à 7 ans, auprès de collectivités locales. Les marché publics demandent un vrai savoir faire, mais leur cycle économique est aussi très différent du tourisme.
De ce point de vue, effectivement, la rentabilité de notre pole transport nous donne une certaine sérénité qui rassure nos partenaires."
F. P : "Il y a d’abord la diversification. Dans l’environnement notamment, avec le solaire ou l’entretien des espaces verts, avec le rachat en cours d’une société qui travaille pour de la SNCF et EDF.
Dans l’ensemble, ce sont des marchés de niche que nous estimons porteurs. Ces investissements peuvent être en fonds propres à 100 % ou bien en participation, de 5 à 20 % en général.
Nous semons, sur des métiers simples mais en croissance, en cherchant à créer de nouveaux revenus pour Prêt à Partir. Il s’agit toujours d’une aventure humaine, avec un porteur de projet fort à qui nous apportons des capitaux et des compétences de gestion.
Ensuite, il y a l’implication locale ou régionale. Pour cela, nous investissons également dans des fonds qui soutiennent l’activité des PME locales. Pour le pôle Voyages, nous sommes attentifs aux opportunités, quel que soit le lieu.
Il faut que l’investissement soit rentable le plus vite possible, beaucoup plus vite qu’il y a quelques années, et qu’il y ait le moins possible d’impondérables. C’est toujours un travail d’équipe qui doit créer de la valeur pour un objectif à long terme. Nous n’arrivons pas pour faire un coup, mais pour construire."
TM. Com - Comment vos partenaires financiers voient-ils votre développement ?
F. P : "Il n’y a que le cash ! On peut leur raconter ce qu’on veut, c’est d’abord le cash et ensuite la rentabilité de l’exploitation.
Ils analysent le risque métier par métier ; dans les espaces verts par exemple, on aura un ratio apport personnel/emprunt de 25%/75 % tandis que dans le voyages on tournera plutôt à 50/50, alors que cela génère du cash, mais dans l’ensemble, nous n’avons pas de mal à acheter de la dette, même si les taux se durcissent.
Pour autant, dans le développement des agences, nous essayons d’emprunter le moins possible ; c’est rarement nécessaire d’ailleurs."
F. P : "Ils sont contents d’avoir des garanties de paiement. Nous ne sommes dans aucune centrale de paiement, nous réglons tout en direct et ça leur coûte moins cher.
Ils sont également contents de n’avoir qu’un seul interlocuteur pour les 70 agences. Ça aussi, ça leur coûte moins cher, et puis ça leur permet de faire un meilleur mix avec leurs ventes directes. Notre travail en partenariat compte aussi beaucoup.
Avec TUI et Luxair, par exemple, nous travaillons ensemble sur des projets à long terme. Par exemple, on réfléchit à la reprise de certaines agences NF dans les régions où nous sommes implantés.
Luxair vient d’ouvrir des vols au départ de Vatry, donc on se bat pour leur apporter des clients. Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas engagés financièrement que nous ne nous sentons pas moralement engagé."
TM. Com - Et votre personnel ?
F. P : "L’important, c’est de sentir qu’on est dans une entreprise qui fonctionne, avec une stratégie claire à moyen terme. Comme tout le monde, on embauche peu et les salaires n’augmentent guère, mais il faut bien expliquer les choses et ne jamais demander l’infaisable ou l’inutile aux gens…
En ce moment par exemple, nous avons un chantier interne sur les techniques commerciales. On travaille pour monter que les nouvelles procédures ne tombent pas du ciel, mais qu’elles sont là pour attirer plus de clients. De toute façon, la décision doit venir de l’agence…
Mon travail consiste surtout à ce que nos collaborateurs arrivent avec le sourire. Sans compter que les gens ont besoin de 2 salaires aujourd’hui. Il faut donc les rassurer et leur garantir qu’ils auront encore du travail pour eux dans 20 ans.
Et puis, comme avec nos fournisseurs, il faut construire une relation fiable. Les temps de crise, à cet égard, aiguisent la solidarité interne, la cohésion et le sens du travail ; en équipe.
On le sent sur le terrain ; les gens n’hésitent pas à se remplacer au pied levé quand il y a un malade. Par dessus tout, je crois aussi qu’il faut veiller à l’employabilité des collaborateurs.
S’ils doivent quitter leur poste, pour une raison ou une autre, l’entreprise leur doit les armes nécessaires pour retrouver un job."
Parallèlement, elle développe une activité transport qui génère 18 M€ de chiffre d’affaires avec 450 personnes et 350 autocars, dont 15 véhicule pour le tourisme.
En se diversifiant dans différents domaines, Prêt à Partir, déjà engagé dans l’éolien, vient également d’investir 20 M€ dans l’énergie solaire et construit peu à peu un pôle environnement d’une centaine de personnes, qui lui assure un chiffre d’affaires supplémentaire de 7 M€.
source: TourMag