Partie en Crète, Aline s’immerge peu à peu dans la destination et nous faire vivre au jour le jour le quotidien du voyageur immobile. Voici le quatrième volet des aventures de notre Globe Trotteuse : Prendre le temps ? C’est encore trop d’effort !", avec le concours d'Héliades.
Ce n’est pas si facile. L’expression « prendre son temps » vient de m’exploser aux neurones. C’est encore un geste d’appropriation.
Un acte, une volonté, une recherche. Qui fait bien rire mes nouveaux voisins.
Car ils trouvent, eux, je ne sais où, la sagesse de regarder couler ce temps sans y toucher.
Par une aberration encore bien occidentale, je me suis munie d’une montre juste avant de partir.
« Pour ne pas manquer l’avion » sans doute. Hérésie bien sûr. Ici les dieux punissent sévèrement l’ubris, l’orgueil de la démesure, donc la prétention de pouvoir mesurer quoi que ce soit, le temps comme les libations.
Chez Anna, quand elle est lasse de commenter la vie du jour pour ses quelques habitués, elle laisse s’installer le silence... et malheureux celui qui voudrait commander un verre pendant ce temps sacré.
D’ailleurs personne ne s’y risque !
On écoute, tout le monde y va de son commentaire. Pas de bande à part. Personne n’est pressé par quoi que ce soit.
Mais quel apprentissage pour moi, que cette simplicité dans les relations, cette tranquille acceptation du silence comme du bruit, cette mesure de l’heure au même carat que les minutes.
Tout devient léger et j’ai remisé la montre dans la valise. Elle m’est bien inutile.
Le mot du jour : Chronos bien sûr, ce dieu du temps qui préféra dévorer ses enfants plutôt que d’accepter d’être renié par eux. Il semble bien que là où je suis, son culte ait disparu.
source: TourMag