Alors qu’il vient de publier, aux PUF, un livre sur les moyens de sortir de la crise, Jean-Paul Betbèze, économiste en chef du Crédit Agricole et membre du Conseil d’analyse économique auprès du 1er Ministre, revient sur les conséquences potentielles pour la France après la perte de son triple A.
Jean-Paul Betbéze : "Cette notation s’établit à partir d’une balance entre plusieurs indices : la croissance potentielle du pays concerné, sa dette public, son déficit budgétaire et l’évolution de ce déficit, pour les plus importants d’entre eux.
Si vous avez une croissance forte, votre déficit budgétaire se tasse mais à l’inverse, en cas de croissance faible ou négative, il augmente et crée de la dette, puis entraîne des frais financiers qui aggravent encore votre budget.
De cette balance, on conclue qu’un pays représente plus ou moins de risques dans les conditions de remboursement de ses dettes.
Le triple A, c’est pas de risque, et quand on est dégradé, c’est que le remboursement devient plus risqué… auquel cas l’emprunt coûte plus cher. Pour s’en sortir, il faut alors réduire la dette et soutenir l’activité privée."
J.-P. B. : "De nombreux pays sont effectivement épinglés, l’Autriche, Malte, la Slovénie et la Slovaquie, mais aussi l’Italie, l’Espagne, le Portugal et Chypre qui, eux, perdent deux crans…
Il est vrai aussi que Moody’s nous maintient son triple A, tout comme Finch, mais avec des perspectives négatives. En fait, ce n’est pas la France qui est visée à proprement parler, mais toute la zone euro qui est mise sous pression.
D’ailleurs, les agences de notation ont aussi annoncé un « outlook » (un avertissement, ndlr) négatif sur la France, si son économie ne redécolle pas dans les deux ans, et sur de nombreux pays européens, dont les Pays bas et le Luxembourg, si les choses ne s’arrangent pas à court terme.
TM.com - Qu’est-ce que cela implique pour les PME, en particulier celle du tourisme ?
J.-P. B. : "Si l’on regarde bien le commentaire qui accompagne la notation, on demande une réduction de la dette public et un soutien de l’activité privée.
Autrement dit, on suggère de diminuer les freins à la croissance et, en particulier, d’accroître la flexibilité du travail. Ça marche toujours, pendant un certain temps, mais on crée surtout du chômage.
Les entreprises sont plus libres, mais il y a plus de tensions sociales. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Standard & Poor’s fait de l’Irlande un modèle.
C’est donc le modèle économique de la zone euro qui est vraiment remis en question."
J.-P. B. : "À priori, les conditions du crédit vont se durcir ; il deviendra plus cher les banque paieront plus cher l’argent mais en ce moment, les banques ne sont pas assaillies de demande.
Alors bien sûr cela va porter sur le crédit long terme, ces taux pèseront principalement sur la charge de la dette et sur l’équilibre budgétaire."
TM.com - Vous parliez de chômage, ce n’est pas bon pour le tourisme…
J.-P. B. : "Évidemment, au delà de l’envie de perdre du poids pour aller mieux, il y aura des ajustements qui ne plairont pas à tout le monde. Et donc du chômage…
Dans ce cas, il peut y avoir des troubles sociaux un peu partout en Europe et ce n’est pas bon du tout pour le tourisme. Plus encore que les taux d’intérêt, c’est ce risque qui importe le plus.
Nous avons besoin d’un sérieux renforcement du dialogue entre les partenaires sociaux. Et n’attendons pas trop de visibilité car le temps est couvert ; les talents de management vont avoir une grande importance..."
source: TourMag