Quelque 600 journalistes tunisiens ont participé, aujourd'hui devant le palais du gouvernement à place La Kasbah, à un rassemblement de protestation contre les récentes nominations à la tête des principaux médias publics sans concertation préalable avec les parties concernées ainsi que contre les atteintes à la liberté de la presse. Lors de ce rassemblement organisé à l’appel du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT), les professionnels des médias ont dénoncé un « retour aux pratiques de contrôle, de censure et de soumission au diktat politique». «Vous, les rétrogrades, ôtez votre main mise sur la presse! », «La presse est publique et elle n'est pas gouvernementale », «Non à la peur, non à la terreur, le pouvoir est au peuple», scandaient les manifestants.
 
Les protestataires parmi lesquels figuraient des représentants de la société civile, des avocats et des dirigeants de partis politiques ont également dénoncé les agressions commises par les forces de l’ordre contre les journalistes. Ils ont, par ailleurs, estimé que les médias doivent constituer un pouvoir à part entière et non pas le porte-voix du gouvernement ou encore des partis vainqueurs des élections de l’Assemblée constituante. « Le peuple veut des médias indépendants », « ni le Qatar, ni les Etats-Unis, la presse est libre », « le gouvernement est provisoire, mais la liberté est éternelle», pouvait-on notamment lire sur les banderoles agitées par les protestataires. «Nous lançons un cri d'alarme après la multiplication des exactions et des agressions contre des journalistes et nous dénonçons aussi les récentes nominations inappropriées à la tête des médias, sans prendre l'avis des instances spécialisées», a déclaré Néjiba Hamrouni, la présidente du Syndicat National des Journalistes Tunisiens. Et d’ajouter : « nous sommes choqués de voir des symboles de la corruption de l'ancien régime qui avaient contribué à la répression des journalistes, couronnés aujourd'hui par le nouveau gouvernement».
Juste en face du rassemblement des journalistes, une centaine de citoyens, parmi lesquels figuraient de nombreux hommes barbus et des femmes voilées, ont organisé une contre-manifestation pour soutenir les choix du gouvernement. Ils ont notamment réclamé la neutralité de la presse, accusant les journalistes d’être proches des partis de gauche. « Les pions du régime d’hier sont devenus aujourd’hui des révolutionnaires », «par nos âmes, par notre sang nous défendrons Hamadi Jebali», «Non à la discorde et à la gabegie au nom de la liberté de la presse», scandaient-ils.
Quelques accrochages ont eu lieu entre les journalistes protestataires et les organisateurs de la contre-manifestation, qui se présentaient comme des sympathisants du mouvement islamiste Ennahdha. Les deux camps qui brandissaient haut et fort des slogans qui se ressemblaient parfois comme la liberté de la presse et la neutralité des médias ont été séparés par des barrières et des cordons policiers.
Le Premier ministère avait annoncé samedi dernier plusieurs nominations à la tête des principaux médias publics mais aussi à des postes de rédacteurs en chef. Ces nominations ont notamment concerné l’agence Tunis Afrique (TAP), les journaux La Presse et Assahafa, et les deux chaînes nationales de télévision. Ces nominations ont aussitôt entraîné les protestations d'organisations professionnelles qui dénoncent, dont le Syndicat National des journalistes Tunisiens, l\'Instance nationale pour la réforme de l\'information et de la communication (Inric) et le Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse.