Le parti islamiste Ennahda, qui domine le gouvernement tunisien, a condamné lundi les slogans anti-juifs proférés lors de l’accueil du Chef du gouvernement du mouvement islamiste palestinien Hamas, Ismaïl Haniyeh, jeudi à l’aéroport international de Tunis Carthage.
Le parti a attribué, dans un communiqué, ces slogans à «un groupe d’individus ne dépassant pas les doigts d’une seule main parmi les centaines de personnes venues accueillir M. Haniyeh».
Il a aussi rappelé avoir reçu au lendemain des élections le chef de la communauté juive en Tunisie, l’homme d’affaires Roger Bizmuth, venu lui présenter ses félicitations pour le succès du parti Ennahdha aux élections de la Constituante en octobre dernier.
«Le mouvement Ennahdha appelle tous les Tunisiens et Tunisiennes, Musulmans, Juifs et Chrétiens, à être solidaires et à préserver l’unité pour le bien du pays», a conclu Rached Ghannouchi.
Des dizaines de jeunes avaient scandé des slogans anti-juifs lors de l’accueil d’Ismaïl Haniyeh.Keffiehs autour du cou et drapeaux palestiniens à la main, ces jeunes ont laissé éclater leur haine des Juifs en scandant avec ferveur les slogans «Tuer les juifs est un devoir», «expulser les juifs est un devoir». Ils faisaient partie des quelque 2000 personnes qui ont accueilli le secrétaire général du mouvement Hamas, lequel effectue une visite de cinq jours en Tunisie, à l'invitation des nouvelles autorités tunisiennes.
En présence de plusieurs responsables islamistes tunisiens, dont le Premier ministre Hamadi Jebali et le leader du parti Ennahdha, Rached Ghannouchi, ces jeunes, dont certains agitaient des drapeaux portant l’emblème du parti islamiste Ennahdha, ont également promis la libération de la Palestine en scandant «avec notre âme et notre sang nous libérerons la Palestine». La scène appelant au meurtre des juifs, qui a aussitôt été publiée et propagée sur Internet, est d’autant plus ahurissante que les manifestants ayant voulu exprimer leur désaccord avec la politique du gouvernement de droite d’Israël semblent s’être trompés de cible. L’amalgame entre Juifs et Israéliens extrémistes était manifeste.
Les slogans anti-juifs proférés par ces jeunes islamistes zélés n’ont pas manqué de susciter l’ire de la communauté juive et des milieux laïcs tunisiens. «Je suis écœuré par cet amalgame entre les juifs tunisiens et les israéliens extrémistes. C’est comme si on confond notre propre maison avec la maison des voisins qui se trouve à des milliers de kilomètres», s’offusque Gilles-Jacob Lellouche, membre de la communauté juive tunisienne et fondateur de l’association culturelle « Dar Edhekra » (Maison de la mémoire), qui œuvre pour la sauvegarde du patrimoine judéo- tunisien. Et d’ajouter : «Ce qui me fait le plus mal, c’est le silence assourdissant de la classe publique sur cette dérive raciste ».
Gilles-Jacob Lellouche, qui avait présenté sa candidature aux élections de l’Assemblée constituante sous les couleurs de l’Union populaire Républicaine (UPR), estime que le mouvement islamiste Ennahdha est appelé à condamner ces tentations antisémites pour prouver ses multiples professions de foi démocratiques et ses incessantes déclarations relatives au respect des droits des minorités religieuses en Tunisie. «Dénoncer les agissements de ces fondamentalistes est la moindre des choses. Ennahdha est non seulement appelée à encadrer ses troupes, mais aussi à promulguer des lois qui protègent les minorités religieuses».