By walidK

 

L'Assemblée constituante issue du premier scrutin libre en Tunisie le 23 octobre a solennellement ouvert mardi ses travaux au palais du Bardo à Tunis, siège de l'ancien parlement. Les 217 députés de l'Assemblée dominée par les islamistes modérés d'Ennahda -89 membres- ont élu dans l'après-midi leur président, le chef du parti de gauche Ettakatol Mustapha Ben Jaafar, 71 ans, ex-opposant à Ben Ali. M. Ben Jaafar , dont le parti a choisi de faire parti d’une alliance regroupant aussi Ennahda et le Congrès pour la République (CPR), a recueilli 145 voix contre 68 à Maya Jribi, dirigeante du parti de centre-gauche PDP.  Il a promis qu'il resterait "fidèle aux objectifs de la révolution", et s'est dit "fier" et "confiant dans l'avenir de son pays".
Outre cette élection, les députés se sont mis d'accord sur le projet de règlement intérieur qui définira le fonctionnement de la Constituante, chargée de rédiger une nouvelle constitution et de gouverner  jusqu'aux prochaines élections générales, en principe dans un an.
L'Assemblée devrait valider dans les prochains jours la suite de l'accord de partage du pouvoir conclu entre Ennahda et ses deux partenaires de gauche. Il prévoit la désignation de Moncef Marzouki, dirigeant du CPR, à la présidence du pays, et celle d'Hamadi Jebali, 62 ans, numéro 2 d'Ennahda, à la tête du gouvernement.
Le chef d'Ennahda, Rached Ghannouchi, a exprimé lors d'une suspension de séance son "immense bonheur" de voir se mettre en place une "première assemblée constituante élue démocratiquement". Moncef Marzouki a de son côté fait part de son "sentiment d'émerveillement" face à l'installation de "la première chambre représentative" du peuple tunisien.
Ennahda qui se définit comme «un parti civil moderne» s'est engagé à ne pas chercher à imposer les règles de l'islam et à respecter les droits des femmes. Il n’empêche qua la société civile a donné dès le premier jour de l’an I de la démocratie de la voix pour montrer qu’elle est toujours là, éveillée et vigilante.
 Un millier de personnes, dont des familles de victimes tuées lors de la révolution et des  représentants d’ONG , se sont rassemblées devant les bâtiments pour réclamer des compensations publiques et rappeler aux nouveaux dirigeants les défis qu'ils vont devoir affronter.
Parmi les protestataires, se trouvait la mère de Mohamed Bouazizi, ce jeune marchand ambulant qui s'était immolé en décembre et dont le décès avait provoqué une vague de contestations qui s'était transformée en révolution. Un jeune homme de 28 ans a expliqué que lui et plusieurs autres avaient été dépêchés sur place pour délivrer un message aux nouvelles autorités: «Nous ne vous laisserons pas en paix si vous ne prenez pas le bon chemin.»
Mohamed Abbou, membre du CPR, a précisé que le gouvernement était conscient du poids des attentes des Tunisiens qui entendent profiter des nouvelles libertés démocratiques mais attendent également des emplois et de meilleurs salaires. «Ce moment représente le rêve de tous les Tunisiens», a-t-il estimé. «Nous disons aux manifestants: "ne vous inquiétez pas, nous n'allons pas ignorer vos revendications»