Je me souviens encore très bien des remarques méprisantes proférées par les dirigeants des compagnies traditionnelles lors de l’arrivée des transporteurs « low cost » sur le marché européen. C’était à qui nous expliquerait avec le plus de détails pourquoi un tel modèle ne pouvait marcher en Europe même s’il avait conquis droit de cité aux États Unis...
J’ai bien encore en tête le nom de ces dirigeants.
Je leur répondais invariablement : « Faites attention, je suis moi-même un client de ces compagnies et je vous assure qu’elles transportent votre clientèle, vous devriez de temps en temps acheter un billet sur l’une d’elle pour vous rendre compte du phénomène ».
Bien évidemment rien ne s’est passé et les compagnies traditionnelles ont progressivement vu leur clientèle européenne délaisser leurs « hubs », trop compliqués, pour utiliser un mode de transport certes spartiate, mais au fond tout à fait convenable pour des vols de moins de 2 heures.
Le prix d’un coupon en classe économie sur un aller-retour journée en Europe est de l’ordre de 450 € soit plus cher qu’un vol transatlantique.
On pourra toujours essayer de camoufler cette réalité sous des couches de « yield management » incompréhensibles et des ajouts de taxes pour des raisons souvent absconses, on ne changera pas la réalité : le marché affaires européen a nourri toutes les grandes compagnies jusqu’à ce que progressivement il n’accepte plus de payer le prix demandé, car les concurrents offrent la même prestation pour moins cher et les octrois de « miles » ne sont plus suffisants à fidéliser la clientèle.
Une fois que les compagnies nationales se sont rendues compte de ce phénomène, elles ont essayé d’imiter ce qu’elles avaient méprisé.
Sauf que si elles savent parfaitement mettre des tarifs compétitifs sur le marché afin de récupérer les clients qui fuient, elles ne sont pas capables de produire leurs sièges aux mêmes coûts.
La mécanique est alors inéluctable : les déficits s’installent. Certes on peut camoufler les difficultés en augmentant le périmètre c’est-à -dire en grossissant parfois démesurément, mais sauf à se mettre en position de baisser significativement les prix de revient on ne résout pas l’équation. Et l’exercice est particulièrement difficile.
Cette démarche est tout de même curieuse pour une des grandes composantes de l’International Airlines Group, l’autre composante étant British Airways.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle démarche est tentée. British Airways a d’ailleurs été l’une des premières à faire l’expérience, mais elle a rapidement déchanté.
Pourquoi alors, ce qui a échoué chez British Airways, réussirait-il chez Iberia ? Air France a bien essayé également d’utiliser sa filiale Transavia.com pour desservir le marché domestique français, mais elle a dû renoncer devant la fronde du personnel.
Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Cela n’a d’ailleurs pas tardé si l’on en juge par les réactions du syndicat des pilotes d’Iberia.
Cerise sur le gâteau, Iberia possède déjà une filiale « low cost » qui marche d’ailleurs très bien. Elle s’appelle Vueling et elle s’installe progressivement dans les grandes plateformes européennes avec un produit intelligent et compétitif.
Certes elle est plus catalane que madrilène, mais est-ce une raison pour lui faire concurrence ? Finalement, la conséquence sera peut-être que Vueling tentera de reprendre une indépendance qu’elle n’a perdue que sous la contrainte.
A tout le moins cette tentative vaut le coup d’être essayée, car elle ouvre de nouvelles perspectives aux marchés régionaux. De plus elle repose sur une infrastructure commerciale déjà en place dans tous les pays européens. Enfin il apparait que les personnels sont prêts à jouer le jeu.
Au fond les grands transporteurs européens n’ont pas anticipé suffisamment le mouvement, par arrogance ils se sont laissés débordés par les « low costs » et ils n’ont pas encore trouvé la parade, laquelle est nécessaire à leur survie.
L’imagination doit revenir au pouvoir.
source: TourMag