Plusieurs signes qui ne trompent pas laissent croire que la Tunisie est en train de repenser le modèle de développement de son secteur touristique, jusqu’ici marquée par une forte dépendance à l’égard des tour-opérateurs étrangers, européens notamment. Une dépendance qui explique, selon les autorités de tutelle et les professionnels, les performances modestes de la Tunisie en comparaison avec ses concurrents directs. «La Tunisie continue à être commercialisée essentiellement par des tour-opérateurs étrangers, dont les chiffres d’affaires peuvent atteindre 15 milliards de dollars. Et c’est là que le bât blesse. Nos hôteliers ont encore beaucoup du mal à résister aux pressions exercées par de tels mammouths en matière de prix», a reconnu Khélil Laâjimi, ministre du Tourisme lors d’un séminaire sur les perspectives du tourisme tunisien à l’horizon 2020, début avril dernier. Même son de cloche chez Mohamed Belaâjouza, président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH) : «La forte dépendance vis-à vis des tours opérateurs étrangers a eu pour effet la détérioration de la qualité des services et l’ancrage d’une image de destination à bas prix ».
Avec 471 dollars par client, la Tunisie affiche en effet le plus faible niveau de recettes par touriste sur la rive sud de la Méditerranée en 2008. Le Maroc occupe la première marche du podium avec 871 dollars, talonné par l’Egypte (859 dollars) et la Turquie (708 dollars).
La Tunisie est également en perte de vitesse en matière d’évolution des entrées touristiques par rapport à ses concurrents directs. Entre 2006 et 2008, les arrivées de touristes étrangers ont enregistré une augmentation de 18% en Tunisie contre une croissance de 59% en Egypte et 20% en Turquie.
 Autre talon d’Achille du secteur touristique tunisien: la destination à moins de trois heures de vol des principales capitales européennes a enregistré la plus courte durée de séjour par rapport à ses concurrents en 2008. La durée moyenne de séjour en Tunisie est de 5,4 jours contre 10 jours en Egypte, 8 jours au Maroc et 5,8 jours en Turquie.
La réflexion engagée au sein du ministère et des diverses structures professionnelles du secteur depuis quelques années vient de déboucher sur l’adoption d’une nouvelle stratégie visant à  permettre à la Tunisie de se libérer progressivement de l’hégémonie des groupes de vente en gros étrangers, accusés de brader la destination au gré de leurs intérêts commerciaux.     Â
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Le développement de la vente en ligne constitue le premier axe de cette nouvelle stratégie. D’autant plus qu’une récente étude réalisée pour le compte des principaux tour-opérateurs européens a montré que 80% des voyages se décident désormais sur Internet. Dans ce cadre, l’intérêt se porte sur le lancement d’ici début 2010 d’un portail de vente de voyages en ligne à l’image des sites Expédia.fr ou encore Opodo.fr. Ce portail, qui devrait être mis en ligne par le ministère en association avec des investisseurs privés, doit permettre à la Tunisie de se protéger contre les politiques purement commerciales des tour-opérateurs comme l'allemand TUI ou le britannique Thomas Cook. Ces derniers viennent, d’ailleurs, de supprimer plusieurs dessertes aériennes jugées « peu rentables » vers la Tunisie.
La libéralisation du ciel apparaît comme le deuxième cheval de bataille des autorités tunisiennes. Des accords permettant aux compagnies aériennes charter et low-cost de desservir, sans restriction, la Tunisie devraient être signés à partir du deuxième semestre de l’année en cours, indique-t-on au ministère du tourisme. Ces accords doivent permettre d’allonger les durées de séjours des touristes étrangers en Tunisie puisque les séjours courts sont jusqu’ici imposés par les tour-opérateurs européens cherchant à garantir la rotation des flottes aériennes.
Selon les professionnels tunisiens, la destination a pâti jusqu’ici d’un « protectionnisme excessif » du ciel, justifié par des craintes d’un effondrement du pavillon local en cas d’arrivée massive de compagnies aériennes étrangères. Le boom des lits d’hôtels (253 milles lits contre près de 150 mille lits pour le Maroc) ne s’est pas, en effet, accompagné d’une augmentation importante en termes de sièges d’avions. Hormis Transavia, filiale d’Air France-KLM, le ciel tunisien reste hermétique aux compagnies low-cost. La Tunisie compte en effet beaucoup moins de liaisons aériennes avec l’Europe que le Maroc, où opèrent près d’une cinquantaine de compagnies depuis l’entrée en vigueur, en 2006, de l’accord d’Open Sky, avec l’Union européenne.
Deuxième pourvoyeur en devises avec des recettes d’environ 1,9 milliard d’euros en 2008, le tourisme contribue à raison de 7% au PIB de la Tunisie et couvre 65% du déficit de la balance commerciale du pays. Avec 230.000 lits répartis sur 814 unités hôtelières, il génère 380.000 postes d’emploi directs et indirects.
 
Tribune: Low cost ou low fare?
La perspective d’ouverture du ciel tunisien en Novembre 2011, c’est àdire dans moins d’un an, occupe l’espace de discussion des milieux du transport et du tourisme et préoccupe certains de ses acteurs. Qu’en sera-t-il au juste ?
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