Nous avons évoqué la semaine dernière l'affaire des mutuelles et la position des distributeurs. Voici le point du vue des Producteurs qui ont accepté de s'exprimer sur cette (épineuse) question. Respecter le cadre légal et mettre enfin tout sur la table au lieu de s’invectiver stérilement sur une question vieille de 20 ans : voilà ce qu'ils suggèrent pour sortir par le haut de l’affaire des mutuelles.

Ce qui ne les empêche pas d’être sereins car sur les quelques points qui leur paraissent essentiels, ils sont particulièrement unanimes.
Au premier chef, le cadre légal des ventes incriminées.
À cet égard, la question ne semble pas tranchée pour tout le monde : « Nous ne sommes pas les mieux placés pour faire des commentaires, car nous ne vendons pas directement par ce canal, ça passe par un distributeur. » précise Joost Bourlon, le PDG de Plein Vent.
Il s’interroge aussitôt : « Mais, si ces ventes sont légales, et si c’est rentable bien sûr, pourquoi un tour-opérateur se priverait-il de ce canal de ventes ? »
« S’il le faut, » assure toutefois Jean-Louis Franceschini, le directeur commercial d’Ollandini Voyages, pour couper court à ce délicat débat, « Nous allons demander aux mutuelles de s’immatriculer, de façon à respecter le cadre légal. »
Dans un premier temps, les producteurs interrogés, y compris ceux qui ne tiennent pas à être mentionnés, rétorquent spontanément que la distribution produit de plus en plus, et de plus en plus ouvertement.
Puis, dans un second temps, c’est la perplexité qui prend le dessus.
« Producteurs ou distributeurs, tout le monde essaie d’être multicanal ! » s’étonne Joost Bourlon, tandis qu’Erminio Eschena, le directeur général de MSC Croisières, se demande de quoi on parle.
« Je n’ai pas d’avis tranché, car je ne comprends pas le problème, » explique-t-il, en rappelant que, 20 ans auparavant, c’était Carrefour et Auchan qui étaient accusés de concurrence déloyale et Internet dix ans plus tard.
« Quelqu’un qui subit la concurrence a toujours le sentiment qu’elle est déloyale. »
Dans le fond, pour Erminio Eschena, la concurrence est toujours considérée comme déloyale.
« C’est le marché qui veut ça ; il va de plus en plus vite, avec un multicanal de plus en plus affirmé. » constate-t-il, en ajoutant qu’avec un tel raisonnement, « on déborde vite sur la question de la propriété commerciale du client. »
« Si les agences nous procurent ce surplus de ventes, alors ok… » concède simplement Joost Bourlon.
« On a de gros engagements aériens et hôteliers, » explique de son côté le directeur commercial d’Ollandini, « On a donc besoin de cette clientèle, surtout dans les périodes compliquées, et je ne suis pas certain que les agences puissent nous l’apporter.»
Sceptiques, les producteurs le sont plus encore devant les menaces de boycott.
« Je n’y crois pas vraiment » estime le Pdg de Plein Vent. « On n’en arrivera pas là », acquiesce Jean-Louis Franceschini.
« La menace est crédible car rien ne l’empêcherait, » admet le dg de MSC, même s’il a du mal à y croire : « mais si on va jusque-là , c’est qu’on s’est mal compris.
Pour moi, le mot « boycott » n’existe pas dans les relations commerciales. »
Plus explicite encore, Joost Bourlon souligne qu’à sa connaissance, une grande majorité de TO vendent, ou cherchent à vendre par ce biais : « S’il fallait tous les boycotter, les agences n’auraient plus grand chose à vendre… »
Le distributeur, par contre, devra chercher des produits à vendre, même quand il fait de l’assemblage. »
Est-ce à dire que cette nouvelle polémique serait sans conséquence pour les producteurs ? Pour le Pdg de Plein Vent, les choses vont encore évoluer et les TO n’en pâtiront pas trop.
Mais l’affaire Thomas Cook est toujours dans les mémoires, et la plupart de nos interlocuteurs pensent au contraire que cette nouvelle polémique va encore les fragiliser.
« La majorité des TO a besoin des agences ; chez nous elles représentent 90 % des ventes ! » rappelle ainsi Jean-Louis Franceschini, « À priori, la force de frappe est plutôt du côté des agences. »
« Il faut oser tout remettre à plat pour chercher une solution, » suggère Joost Bourlon. « On a tous de grosses difficultés, » conseille le directeur commercial d’Ollandini.
« Pour que chacun retrouve son équilibre, un débat large serait plus utile que les grands mots. »
« C’est le moment de revoir le modèle économique de toute la chaîne de valeur, » conclut plus catégorique encore Erminio Eschena.
« Ça fait 20 ans qu’on évite soigneusement cette question, mais si ça continue, ce sera trop tard pour l’économie du tourisme. »
Sauf pour les gros industriels bien sûr ; c’est le bon côté de l’intégration verticale...
source: TourMag