Le débat n'est pas nouveau. Quinze ans avant l'affaire des ventes aux mutuelles, les distributeurs élevaient déjà la voix contre les comités d'entreprise, redoutant une concurrence déloyale. Dans ce nouveau cas de figure, où les termes du contrat qui lient producteurs et mutuelles restent flous, laissant planer un doute sur la légalité d'une telle procédure vis-à -vis du client, le problème s'apparenterait davantage à une question de loyauté commerciale entre les différents partenaires. Le point avec Emmanuelle Llop, avocat à la Cour (Clyde&Co).
Emmanuelle Llop : "Le cas n'est pas nouveau. Il existe déjà depuis plusieurs années des "clubs avantage" qui permettent aux clients de certains groupements, comme les mutuelles et les banques, de cumuler des points, échangeables en billets d'avion, en nuits d'hôtels, etc.
Cela me rappelle un autre débat, il y a quinze ans, à propos des comités d'entreprises, accusés de concurrence déloyale du fait qu'ils bénéficiaient d'une subvention de la part de leur société. Depuis, une partie de ces CE, en particulier les plus actifs, se sont immatriculés.
Dans le cas des mutuelles, la problématique est différente, car elles semblent se trouver au même niveau que les agences distributrices. Et le courrier des réseaux de distribution a peut-être mis le doigt sur une réelle organisation."
Emmanulle Llop : "Je ne peux pas me prononcer, étant donné que j'ignore les termes du contrat qui les lient avec les TO.
La mutuelle présente-t-elle l'offre des producteurs comme tout autre portail ou comparateur de produits touristiques, auquel cas, elle n'aurait pas besoin d'une immatriculation puisqu'il ne s'agirait pas de vente directe ? Le fait-elle par pure philanthropie ?
Ou joue-t-elle un rôle actif, impliquant qu'elle encaisse des commissions, ce qui effectivement nécessite une immatriculation ?
Ou encore, peut-être vend-elle directement des voyages sur son site en prenant des réservations par Internet ou par courrier, pratique qui s'avèrerait également être illégale sans immatriculation ? "
Emmanuelle Llop : "On ne peut pas l’affirmer sans connaître les modalités de ces opérations de ventes, le rôle exact de la mutuelle et son mode de rémunération, s'il y en a un.
Dans tous les cas, une action rétroactive serait malaisée à mener. Mais s'il s'avère que les mutuelles vendent des voyages sans être immatriculées, alors elles sont condamnables selon les termes de l'article L 211- 23 du Code du Tourisme, Section VII "Sanctions et Mesures Conservatoires".
Elles s'exposent alors à une peine de 6 mois d'emprisonnement et à 7 500 euros d'amende. Par ailleurs, le tribunal correctionnel notamment peut ordonner la fermeture temporaire ou définitive de l'établissement exploité par les personnes condamnées.
Mais pour cela, il faudrait qu'une agence ou une organisation institutionnelle autorisée, comme le SNAV, portent à la connaissance du Préfet de Région, d’un juge d’instruction ou du Procureur, le préjudice subi par la distribution et le fait que la mutuelle mise en cause se livre à la vente de voyages de manière illicite.
En général, dans ce type d'affaires, l'un des arguments avancés par la partie mise en cause est que cette vente ne présente aucun risque pour le client, qui bénéficie de la garantie financière du TO."
TourMaG.com - Comprenez-vous l'inquiétude des réseaux de distribution ?
Emmanuelle Llop : "A mon avis, ce n'est pas tant la sécurité du client qui est pointée du doigt, mais la concurrence déloyale que ce système implique. Il s’agit certainement de se livrer à un nettoyage dans les pratiques commerciales…
Ce "feuilleton mutuelles" apparait comme un reflet des préoccupations des distributeurs depuis la loi Novelli du 22 juillet 2009, qui a élargi la profession à d'autres activités, sans changer les obligations requises.
En aucun cas, la condition financière de garantie n'a été modifiée, même si les "nouveaux" venus ont tendance à l'oublier.
Aujourd'hui, ce sont les mutuelles qui inquiètent les distributeurs, mais demain, ce seront les courtiers et autres apporteurs d'affaires. Un feuilleton à suivre..."
source: TourMag