Le tourisme tunisien à l’horizon de 2020: à nouvelles ambitions, nouvelles actions
« Faire de la Tunisie une destination de choix dans le bassin méditerranéen en 2020».
C’est en somme l’ambition affiché par les différents opérateurs du secteur touristique tunisien réunis  le jeudi 2 avril à Tunis le temps d’un déjeuner-débat à l’initiative du Centre des Jeunes Dirigeants   (CJD), dont l’invité d’honneur était le Ministre du Tourisme, Khélil Laâjimi.

Ce rendez-vous ayant pour thème «le tourisme tunisien : Horizon 2020» s’est proposé d’engager la réflexion  en vue débusquer les idées susceptibles de garantir un meilleur positionnement stratégique du tourisme tunisien dans la Mare Nostrum. Et des idées novatrices et audacieuses, il y en a eu à foison…D’emblée, les membres du « think-tank » du CJD regroupant notamment les jeunes entrepreneurs dynamiques ont annoncé la couleur. Sans vouloir jeter des fleurs aux autorités de tutelle, ni remettre en question  leurs efforts titanesques dans la promotion  de la destination malgré les maigres moyens financiers mis à leur disposition, la commission du CJD a «ausculté» les points forts et les faiblesses de l’offre touristique et son positionnement par rapport aux concurrents directs de la destination. « Nous n’avons pas l’intention de se poser en donneurs de leçons et encore moins en décideurs. Nous sommes des agitateurs d’idées », a indiqué de prime abord Khaled Fourati.

L’état des lieux dressé fait ressortir un succès contrasté de la destination. Les chiffres présentés témoignent en effet d’une évolution significative de la plupart des indicateurs du secteur au cours de la dernière décennie. Ainsi, la capacité en lits s’est accrue de 29%, passant de 184.616 lits en 1998 à 238.220 lits en 2008. Les arrivées ont presque doublé, passant de 4,7 millions en 1998 à 7 millions dix ans plus tard. Les nuitées ont enregistré une croissance de 26% sur la période sous revue, pour s’établir à 38 millions l’an passé. Pour les recettes en milliards de dinars, elles ont quasiment doublé, passant de 1,7 à 3,3 milliards de dinars.

Situé dans son environnement régional, le tableau n’est pas pourtant entièrement rose. Alors que les arrivées en Tunisie se sont accrues de 18% entre 2006 et 2008, elles ont enregistré une croissance de 59% en Egypte et de 20% en Turquie. Mais là où la bât blesse c’est que la Tunisie présente les dépenses les plus faibles par touriste par rapport à ses concurrents directs. Ce pays d’Afrique du Nord aux portes de l’Europe qui pâtit encore d’une image d’une « destination d’hébergement » a enregistré  en 2008 des dépenses par client de 471 dollars contre 859 dollars pour l’Egypte, 871 dollars pour le Maroc et 708 dollars pour la Turquie.

Autre bémol aux bons scores de l’industrie touristique tunisienne: le pays dont la commercialisation des produits touristiques passent majoritairement par les T0 et les groupes de package en gros a enregistré la la durée du séjour la plus courte par rapport à ses concurrents en 2008. La durée moyenne de séjour en Tunisie est de 5,4 jours contre 10 jours en Egypte, 8 jours au Maroc et 5,8 jours en Turquie.

La Tunisie manque par ailleurs de visibilité sur Internet, où se décide désoramis plus de 80% des voyages dans  le monde. Elle brille, en fait, par son absence dans le Top 10 des lieux inoubliables et peu visible en tant qu’annonceur sur les sites les plus visités comme google, facebook et sur les sites de voyages comme Lasminute.com, opodo.fr et expédia.fr.

N’empêche que le petit poucet affiche aujourd’hui l’ambition de coiffer au poteau les ténors de la rive sud de la Méditerranée. Les objectifs fixés par le think-tank du CJD sont d’ailleurs sans équivoques : 20 millions de touristes et 20 millions de dollars de recettes en 2020.
Pour réaliser ces objectifs jugés ambitieux par certains participants au déjeuner-débat, le CJD propose retravailler l’image de la Tunisie afin de rompre avec  le cliché de destination balnéaire, de « contrôler » ( se libérer de l’emprise des TO) les marchés émetteurs, de réussir la diversification du produit touristique et de mettre à niveau l’artisanat tunisien afin d’en faire un produit très attractif, d’offrir des produits à contenu culturel et émotionnel fort, de renforcer les rapports entre les secteurs public et privé pour une meilleure qualité de service et de lever les obstacles qui freinent certains produits touristiques tels les festivals à thème, le MICE, le tourisme de cinéma, le tourisme sportif , l’agri-tourism, le clubbing…
Si les autorités ont eu le courage de franchir le cap de libéralisation du ciel à partir de l’année en cours, une démarche qui devrait notamment déboucher sur l’octroi d’autorisations à des compagnies aériennes low-cost, l’obstacle majeur qui freine le développement de plusieurs créneaux demeure la question des autorisations et de la paperasse. Par exemple: les organisateurs du dernier Championnat mondial de power-boat à Yasmine Hammamet en eu toutes les peines du monde à librérer rapidement leurs motonautiques des services de la douane. Les organisateurs de festivals et de soirées de Djaying ou encore les investisseurs dans l’agro-tourisme en savent quelque chose.  Ils se trouvent tous obligés de sillonner des différents départements pour obtenir  des autorisations nécessaires.

La  création d’un guichet unique qui prendra en charge l’octroi des diverses autorisations liées aux projets et aux activités touristiques et l’organisation d’assises nationales réunissant les différents acteurs du secteur (ministère du tourisme, autres départements ministériels, professionnels privés) serait dans ce chapitre des mesures salvatrices.

D’autre part, les jeunes dirigeants proposent de créer une cellule dédiée au tourisme d’affaires et de confier l’organisation des festivals à des professionnels. Dans ce même chapitre, il faudrait, selon eux,  introduire dans certains festivals une dose de spiritualité très recherchée par les touristes à l’instar de ce que fait le Maroc, avec les festivals des musiques et développer les incitations offertes aux réalisateurs et producteurs cinématographiques pour la réalisation de leurs œuvres en Tunisie. Plus de 50 films étrangers sont produits chaque année  au Maroc contre deux ou trois seulement en moyenne en Tunisie.

Le développement du marketing, notamment sur le Web constitue, par ailleurs, la clef de voûte du décollage du tourisme tunisien. C’est que tourisme deviendra inéluctablement le premier secteur marchand sur le web d’ici quelques années. Et on sera alors à cent lieux du consommateur passif qui se contentent de la brochure du TO. D’où la nécessité d’introduire de nouvelles techniques de marketing. Il s’agit notamment du marketing viral dont la spécificité consiste à transformer les consommateurs en principaux vecteurs de  la communication sur un produit (bouche à oreille), du buzz marketing qui consiste à créer beaucoup de bruit autour d’un produit pour attirer l’attention dessus (actions de lobbying, rumeurs positives…) et du marketing direct qui repose, par exemple,  sur la distribution d’un magazine spécifique et gratuit dans les boîtes aux lettres à l’étranger.

Les réflexions du think-tank du CJD ont trouvé un bon écho auprès du ministre du tourisme et des professionnels du secteur. D’autant plus que tous les opérateurs sont aujourd’hui convaincus qu’une vision 2020  une condition sine qua non pour un décollage du tourisme tunisien. Le développement de ce secteur clef de l’économie nationale ne s’improvise pas….Les idées sont déjà là. Reste le passage à l’action….