Lorsque je lui dis franchement ce que l’on pense de lui et de son ONTT dans les milieux concernés, il sourit et répond « venez voir ce que l’on y fait ». Tentant ! Passer la journée à la Direction Générale de l’Office Nationale du Tourisme Tunisien (ONTT) apportera-t-il plus d’éclairage afin de mieux comprendre tout ce qui ne va pas. Pas forcément ! Les bilans sont faits et refaits et depuis longtemps.
Tout le monde est fatigué d’attendre un changement qui ne se fait toujours pas. Révolution ou pas, au vu des chiffres et sur le terrain, l’administration et le secteur privé plongent dans une dépression doublée d’une sinistrose. Pourtant à l’avenue Mohamed V, on s’active et pare au plus urgent. Récit d’une journée ordinaire dans un contexte extraordinaire.
En arrivant, la bâtisse sent la « naphtaline ». Elle est à l’image de son secteur, défraichie et vieillie. Couloirs tortueux, peinture jaunie, mobilier tristounet, jardin abandonné, personnel qui traine la savate… Pourtant l’emplacement vaut son pesant d’or et sur les murs de certains bureaux trainent des toiles de maitres de l’Ecole de Tunis : Yahia, Ben Salem, Bellagha. Autant de trésors ignorés. Un peu à l’image du tourisme tunisien : un diamant mal taillé.
Habib Ammar est le Directeur Général de l’ONTT .Il vient du Ministère de l’Industrie et de la mise à niveau et aura résisté, pour le moment, à la révolution et aux tremblements qu’ont connu toutes les administrations tunisiennes. Insultes, « dégagisme », contestations, grèves, luttes, « sit in »… Autant de nouvelles difficultés qui sont venues s’amonceler à celles qui avariaient déjà la situation. Une explosion de problèmes qui étaient sous perfusion.
Dans quel état sort-on après ces derniers 6 mois lorsqu’on est commis de l’Etat ? Habib Ammar répond : « plus fort et plus décidé que jamais à porter le pays vers l’avant ». Résister, en cette période révolutionnaire qui a fait des ravages dans l’ensemble de l’administration vers laquelle se pointent des doigts accusateurs de corruption, de malversations, de laisser-faire, de complaisances, n’est pas une mince affaire.
Reste qu’il ne faut pas oublier que depuis l’indépendance, l’administration n’a pas été uniquement l’arme silencieuse du système mafieux qui violait tous les jours le pays. Elle a aussi été son bras puissant pour bâtir la Tunisie moderne grâce à des compétences dont elle regorge encore et dont une partie a été détournée pour édifier le secteur privé tunisien.
Créé en 1976, l’ONTT se compose de plus de 1263 employés. Sa mission est l’application de la politique de l’Etat dans le secteur touristique sauf, qu’au fil des ans, le ministère l’a supplanté en gratouillant quelques une des ses prérogatives. Vidée de son pouvoir décisionnel, c’est, de toutes les façons, toute l’administration du tourisme qui s’est retrouvée en porte à faux, souffrant de la suprématie des autres Ministères dont celui de l’Intérieur et celui des Finances principalement.
Pour Habib Ammar, il n’y a pas de secret. Le secteur a été brimé : « Le tourisme en est là où l’on a voulu le cantonner. On lui a coupé les ailes et tenu la bride. On demandait des moyens, des outils, de la marge de manœuvre que l’on ne voulait pas autoriser. Comment voulez vous innover et progresser ? Le tourisme a simplement été tenu en laisse par les années Ben Ali ».
Au fil de la journée, le directeur général répond au énième coup de téléphone fumant une cigarette qu’il ne finit quasiment jamais. Sa matinée sera fractionnée entre 30 appels téléphoniques, une réunion avec les syndicats, un entretien accordé à une journaliste française à qui il faudra donner des réponses débarrassées de la langue de bois tout en restant rassurant. Dans l’après midi, il rencontre les professionnels du golf et mettent ensemble au point un programme de promotion pour la saison prochaine avec l’équipe marketing.