Cantonnée plusieurs mois durant dans les hautes sphères de la finance internationale, la crise commence à gagner ce que les spécialistes appellent « l’économie réelle ». Dans ce cadre, ce sont les secteurs plus ou moins liés au bien-être et au confort tels le tourisme ou encore l’industrie automobile qui ont été les premiers à payer les pots cassés. Quoi de plus facile pour les ménages que de retarder, voire de renoncer complètement à l’achat d’une semaine au soleil ou d’un véhicule neuf.
Compte tenu du climat d’incertitude actuel qui se répercute sur la confiance des consommateurs, il est fort probable selon les experts de voir l’industrie touristique en butte à des grandes difficultés au cours des prochains mois, voire même durant les deux ou trois années à venir. Pour 2008, l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) s’attend à une croissance du secteur de 2% contre une moyenne initialement fixée à 4% à l’échelle mondiale. Cet hiver, les européens seront moins nombreux à partir en vacances. D'ailleurs une enquête TNS Sofres/Logica publiée en octobre dernier, révèle que plus de 40% des français ont changé leur mode de consommation. Ils ont d'ores et déjà réduit de 50% leur budget vacances et week-ends.
Une capacité de résistance inégalée
Le « serrage de ceintures» consécutif à une baisse du pouvoir d’achat et à un moral au plus bas a eu pour effet immédiat une chute des réservations pour les destinations au soleil cet hiver. La régression des réservations a atteint pour certains tours opérateurs les 20%. Conséquence: les tours opérateurs cassent leurs prix. Nouvelles Frontières offre de plus en plus de promotions alléchantes qui peuvent atteindre 40% sur la Tunisie, lance des campagnes publicitaires avec des slogans choc comme« Prix de crise, partir en vacances malgré la crise, Yes We can », un slogan emprunté aux architectes de l’accession historique du premier candidat noir à la Maison blanche des Etats-Unis. De son côté, le tour opérateur Fram focalise ces campagnes de promotion sur les destinations « low-cost » et invite les voyageurs à fuir « la morosité » et à abandonner « leurs soucis ».
Ces opérateurs misent notamment sur les destinations qui marchent grâce un rapport qualité-prix avantageux. Et l'une de ses destinations clés demeure la Tunisie. La destination a en effet engrangé durant les dix premiers mois de l’année en cours 2900 millions de dinars de recettes touristiques, soit un bond de 6% en comparaison avec la même période de l’année précédente.
Les entrées ont connu une progression de 3,4% entre le 1er janvier et le 30 octobre, ce qui équivaut à 6.288.000 touristes. De leur côté, les nuitées ont dépassé les 35,1 millions, soit une hausse de 2%.
Selon les prévisions du ministère du tourisme, le nombre total d'entrées touristiques devrait dépasser les sept millions sur l’ensemble de l'année 2008.
Plusieurs classements des destinations touristiques les plus en vogue confirment l’excellente capacité résistance de la Tunisie face au « tsunami» financier. Dans le top 10 du voyagiste Lastminute.com, la destination vient en tête de peloton. Une position confirmée par le classement de l’agence en ligne Opodo qui précise que la « la Tunisie surfe toujours sur son effet prix intéressant, critère déterminant en période de tension sur le pouvoir d'achat ».
Un coup de frein en vue
Malgré ces résultats globalement satisfaisants en cette période de vaches maigres, on commence de plus en plus à reconnaître que la Tunisie ne restera toujours épargnée par la crise. Le Directeur Général du groupe français Accor Hospitality pour l’Égypte, Algérie et la Tunisie, Thierry de Jaham, a estimé récemment que la vision est plutôt bonne dans les quatre ou cinq mois à venir au niveau de la rive sud de la Méditerranée mais révélé que les échos en provenance de l’Europe sont très négatifs. « Le ralentissement de l’industrie touristique paraît inéluctable partout dans le monde », a-t-il précisé en substance.
Après avoir prédit d’une façon un peu optimiste lors d’une conférence de presse tenue début novembre que les effets de la crise se feront ressentir en Tunisie à partir de 2010, le ministre du tourisme, Khelil Lâajimi, a d’ailleurs indiqué récemment que l'impact du ralentissement de l'économie mondiale « se fera tôt ou tard sentir en Tunisie », signalant toutefois que les autorités tentent déjà de trouver les remèdes adéquats à ce coup de frein fort probable. « L’année 2009 sera pour nous une occasion de relever les défis de la qualité, du bon rapport qualité-prix et de la compétitivité du produit touristique tunisien », a renchéri le ministre lors d’un séminaire sur le plan qualité dans le secteur du tourisme tenu le 27 novembre à Hammamet.
Outre les actions promotionnelles destinées à  améliorer la visibilité du secteur, la Tunisie cherche désormais à modifier la structure de son secteur touristique pour mieux faire face au ralentissement mondial, ainsi que l'augmentation de la concurrence régionale provenant du Maroc et de la Turquie. Depuis les années 70, la Tunisie a été l'un des principaux marchés du tourisme de masse, avec un marché qui dépend fortement des tour-opérateurs et des groupes de package en gros. Bien que cette stratégie ait lancé le pays dans son rôle de première destination touristique, il eut un impact négatif sur sa viabilité et ses perspectives de croissance. Étant donné que les voyages à forfait passent rarement en dehors de leurs itinéraires prescrits, liées au tourisme, les recettes sont restées limitées. Le revenu par tête en Tunisie est d'environ 333 dollars, alors que le Maroc - qui est considéré comme une destination plus haut de gamme - perçoit environ 1040 dollars par tête. De même, l'Egypte reçoit environ 850 dollars par tête.
Dans une tentative d'aller au-delà du modèle de tourisme de masse, la Tunisie a commencé à renforcer ses marchés de niche, en particulier dans le tourisme médical, la thalasso-thérapie, le tourisme saharien et le golf.
Analyse réalisée par tourismag.com
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