Le courrier envoyé par Thomas Cook France à certains de ses fournisseurs, le 19 août 2011, a suscité de vives réactions au sein de la profession. Pourtant, la plupart des TO concernés refusent encore de s'exprimer à visage découvert sur la rallonge calculée sur 1,5% du chiffre d‘affaires qui leur a été demandée. Reste à savoir si cette action est légale ? Mais aussi de quels recours disposent les fournisseurs en cas d'abus ? Le point avec Emmanuelle Llop, avocat à la Cour (Clyde&Co).
Emmanuelle Llop : "Il convient tout d'abord de faire la distinction entre le domaine de la légalité et le domaine contractuel.
Ici, la relation qui lie Thomas Cook à ses fournisseurs découle d'un contrat, comme il est souvent le cas en matière commerciale, notamment dans le secteur du tourisme.
Ce contrat peut se justifier par échanges de fax, de mails, de commandes et de factures qui témoignent des usages commerciaux entre les parties.
Ces relations commerciales, en droit français, sont consensuelles. Ce qui signifie qu'un consentement mutuel est obligatoire pour conclure et rompre le contrat, selon l'article 1134 du Code Civil.
Un contrat qui repose sur des principes tels que la loyauté, la transparence et l'équilibre et doit être exécuté de bonne foi, sans abus."
Emmanuelle Llop : "Pour le moment, je ne peux qu'observer les faits qui me sont donnés en tant que juriste, à savoir le courrier reçu par les fournisseurs que TourMaG s'est procuré.
Certains éléments présents dans cette lettre laissent penser qu'il pourrait s'agir d'une facturation imposée, ce qui est impossible en droit français.
Je me réfère au passage suivant : « Nous avons évalué le surcoût pour notre distribution à 1,50% hors taxe du chiffre d’affaires. C’est la raison pour laquelle, nous sommes aujourd’hui dans l’obligation de vous demander de manière exceptionnelle, de prendre en charge ce surcoût lié à la commercialisation de vos produits.
A cet effet, vous trouverez ci-joint deux factures correspondant à une première échéance (...) ».
Dans ce passage, Thomas Cook évalue un surcoût, mais envoie en même temps la facture. L'accord entre le réseau et ses fournisseurs ne ressort pas de ce courrier.
Mais ne disposant pas de tous les tenants et les aboutissants de cette affaire, je ne me permettrais pas de porter un jugement, ce qui de surcroît n’est pas mon rôle."
Emmanuelle Llop : "Pour la simple et bonne raison que je suppose qu'une structure aussi importante que Thomas Cook a consulté son service juridique avant d'envoyer un tel courrier.
La présence des termes « de manière exceptionnelle » en référence au surcoût me fait croire que le réseau a travaillé sur la manière de justifier cette action commerciale.
D'ailleurs, plus loin dans la lettre, Thomas Cook continue de se justifier en défendant son travail auprès des TO : « nous attirons votre attention sur le fait que nos conditions de rémunérations sont restées inchangées depuis de nombreuses années alors même que le réseau AS Voyages a largement communiqué au sujet de l’amélioration des rémunérations qui lui ont été consenties par de nombreux Tour-Opérateurs français à partir de janvier 2010.
A nos yeux, ceci est de nature à justifier d’une asymétrie dans le jeu de la concurrence, ce qui est doublement préjudiciable dans le contexte actuel…»
Il semblerait que Thomas Cook prenne soin de justifier ses nouvelles conditions financières exceptionnelles pour faire « passer la pilule » auprès de ses partenaires.
Mais un texte n'est jamais tout blanc ni tout noir et peut être interprété très différemment."
Emmanuelle Llop : "Le droit civil est clair : pour modifier un contrat, les deux parties doivent négocier et conclure leur accord ensemble.
Si l'une des deux parties tente de prendre le dessus de façon unilatérale, on parle alors d'exploitation abusive d’une position dominante, qui pourrait consister en la rupture des relations commerciales avec le partenaire refusant cette sur-facturation.
Cette notion est définie par l'article L420-2 du Code du Commerce.
L'article interdit au distributeur de rompre la relation commerciale si son partenaire refuse de se soumettre à de nouvelles conditions commerciales injustifiées.
Dans le cas de Thomas Cook, le courrier était-il justifié ou non, des relations commerciales vont-elles être rompues, je n'en sais rien."
TourMaG.com - S'il s'avérait qu'il y a réellement abus de position dominante de la part de Thomas Cook, de quels recours disposeraient les fournisseurs ?
Emmanuelle Llop : "A mon avis, les TO doivent être certainement en train de consulter leurs services juridiques, ce qui explique leur actuelle réserve.
Suivant leur poids économique, certains ne bougeront pas, d'autres paieront peut-être. Ceux qui souhaiteront s'opposer à Thomas Cook commenceront sans doute par négocier avant d’envisager de se placer sur un terrain contentieux, notamment sur celui du respect des contrats.
Ceux qui iraient en justice devront s'attendre à s'attaquer à un dossier complexe, long et coûteux."
source: TourMag