La durabilité est devenue le mot d’ordre du secteur touristique. De plus en plus de destinations se revendiquent « vertes » ou « responsables », affichant leur engagement pour la planète et les communautés locales. Mais derrière les slogans et les campagnes séduisantes, une réalité inquiète les experts : celle du greenwashing, cette pratique qui consiste à embellir la réalité ou à exagérer les actions menées pour paraître plus vertueux qu’on ne l’est réellement.
Conscient de ce risque, EarthCheck, organisation internationale pionnière dans la certification et le conseil en durabilité, a publié un guide pratique intitulé Sustainability Storytelling for Tourism and Hospitality Destinations. Ce document vise à aider les offices de tourisme, les collectivités locales et les acteurs de l’hospitalité à raconter leur engagement environnemental et social avec transparence, cohérence et crédibilité.
Le guide propose une véritable feuille de route, presque un art de raconter la durabilité. Tout commence par l’identification des publics. Une destination ne s’adresse pas seulement aux voyageurs : elle parle aussi aux communautés locales, aux entreprises touristiques, aux autorités publiques et à ses propres équipes internes. Comprendre ce que chacun attend et comment chacun peut contribuer à l’effort collectif est essentiel pour bâtir un discours qui a du sens.
Vient ensuite la définition des ambitions. Il ne s’agit pas d’aligner des objectifs vagues ou génériques, mais de préciser une vision claire et partagée. Une destination qui veut être crédible doit s’assurer que ses ambitions sont connues et comprises par l’ensemble des parties prenantes. Tester en amont le discours auprès de ces acteurs est d’ailleurs une manière de vérifier sa cohérence et d’obtenir leur adhésion.
Mais au-delà des intentions, ce sont les actions concrètes qui comptent. EarthCheck insiste sur la nécessité de s’appuyer sur des preuves tangibles : réduction mesurée des émissions de carbone, adoption de certifications reconnues, préservation des écosystèmes fragiles, impact positif sur les communautés locales. Plus encore, le guide souligne que la sincérité prime sur la perfection. Mieux vaut partager des progrès modestes, ou même reconnaître ses difficultés, que se taire ou exagérer. Car à trop vouloir paraître irréprochable, une destination risque de tomber dans le piège du greenwashing. À l’inverse, garder le silence par peur d’être critiqué – ce que l’on appelle le greenhushing – prive les efforts réalisés de visibilité et d’impact.
Reste enfin la question de la diffusion. Les initiatives, aussi exemplaires soient-elles, ne servent à rien si elles ne sont pas racontées. Et aujourd’hui, les canaux de communication sont nombreux : vidéos, blogs, reportages, réseaux sociaux, newsletters, podcasts… Le guide encourage les destinations à diversifier leurs formats, mais aussi à créer un dialogue avec leurs communautés et leurs visiteurs. L’idée n’est pas seulement de diffuser un message, mais d’instaurer une conversation vivante et engageante.
Pour illustrer ses recommandations, EarthCheck met en avant des exemples concrets. Ras Al Khaimah, aux Émirats arabes unis, a lancé ResponsibleRAK, un programme qui repose sur une méthodologie scientifique et une certification reconnue. Ce dispositif permet aux opérateurs touristiques locaux de mesurer et de valoriser leurs actions durables, tout en fédérant l’ensemble de l’écosystème autour d’une démarche commune. En Australie, la station alpine de Thredbo est devenue un modèle du genre. Alimentée par des énergies renouvelables et certifiée EarthCheck, elle combine attractivité touristique, performance économique et préservation d’un environnement montagnard particulièrement vulnérable.
Ces exemples montrent qu’il est possible de conjuguer tourisme et durabilité, mais aussi que la communication joue un rôle clé. Car les voyageurs, désormais, ne se contentent plus d’un discours marketing. Ils recherchent de la sincérité, des preuves et une cohérence entre les promesses et la réalité vécue. La durabilité est devenue un critère de compétitivité touristique autant qu’un impératif éthique.
Le message d’EarthCheck est clair : pour éviter le piège du greenwashing, il faut apprendre à raconter la durabilité autrement. Ni slogans creux, ni silence gêné, mais une parole honnête, nourrie de faits, de chiffres et de récits authentiques. C’est à ce prix que les destinations pourront gagner la confiance des voyageurs, renforcer leur réputation et, surtout, contribuer réellement à un tourisme plus respectueux de la planète et des générations futures.