La 8ᵉ édition du Forum International du Tourisme Africain (FITA 2025), organisée par le Tunisia-Africa Business Council (TABC), a marqué une étape clé dans la redéfinition stratégique du tourisme africain. Tenue au Radisson Blu & Convention Center de Tunis, cette rencontre a rassemblé sept ministres africains du Tourisme et M. Mossadeck Bally, PDG du Groupe Azalaï Hotels, autour du thème « Capitaliser sur le potentiel touristique africain pour stimuler l’économie ».

Un panel à la hauteur des enjeux

Bien que l’Afrique dispose d’un patrimoine naturel et culturel exceptionnel, elle ne reçoit encore que 5 % des flux touristiques mondiaux. Face à ce constat, les échanges ont su conjuguer pragmatisme et ambition. Axés sur des enjeux cruciaux — amélioration de la connectivité aérienne, renforcement de la coopération entre États, harmonisation des standards de service et refonte de l’image du continent —, les débats ont permis d’esquisser une feuille de route concrète pour faire du tourisme un véritable moteur de souveraineté économique et d’intégration du continent.

Portée par des interventions sincères et des engagements forts, cette session a confirmé une conviction partagée : le tourisme africain, au-delà des promesses, incarne désormais un chantier prioritaire pour une croissance inclusive et durable.

 

Une Afrique riche, mais encore à la traîne 

La voix du secteur privé a résonné avec profondeur grâce à M. Mossadeck Bally, qui a rappelé que l’Afrique doit investir dans la formation, l’expérience client, la confiance entre acteurs, et surtout dans une vision partagée :

Le tourisme est une industrie stratégique, mais c’est aussi une affaire d’émotion, d’identité et de narration. À nous de raconter notre propre histoire. »

Il a également souligné que 

Le potentiel africain est énorme. On est clairement le continent le plus diversifié en termes de paysages, en termes de cultures. 

Pourtant, les chiffres interpellent 

 Il y a environ 1,4 milliard de personnes qui voyagent chaque année. Et l’Afrique n’en reçoit que 75 à 80 millions. À titre de comparaison, la France à elle seule accueille chaque année près de 100 millions de visiteurs. 

a-t-il affirmé.

Cette situation reflète les défis persistants en matière d’accessibilité, de connectivité aérienne, de standardisation des services, mais aussi d’image du continent.

M. Mossadeck Bally, PDG du Groupe Azalaï Hotels - Mali

Construire un écosystème panafricain : coopération, connectivité et standards partagés - priorités clés

L’un des axes majeurs du panel a été l’appel vibrant à dépasser les logiques nationales cloisonnées pour bâtir un véritable écosystème touristique panafricain. Les ministres présents ont plaidé pour une diplomatie touristique active, fondée sur la mise en place de corridors transnationaux, de plateformes d’échange et de programmes de formation conjoints. Cette vision de coopération élargie a trouvé un écho particulier dans l’intervention de M. Mossadeck Bally, qui a exprimé le souhait de voir émerger un « Erasmus africain » dédié à l’éducation et à la formation touristique :

 Je suis jaloux de voir que les Européens ont le programme Erasmus… J’aimerais que les gouvernements africains puissent développer un Erasmus africain dans le domaine de l’éducation. » Ce vœu symbolise l’aspiration à une jeunesse panafricaine mieux formée, connectée et actrice du développement durable du continent.

Ce vœu illustre une volonté partagée de bâtir une jeunesse panafricaine formée, connectée et actrice du développement touristique durable du continent.

Mais la coopération ne peut s’exprimer pleinement sans une connectivité à la hauteur des ambitions. Malgré les avancées de la ZLECAf, le transport aérien reste un frein majeur : seules 20 % des liaisons interafricaines sont assurées par des compagnies locales. D’où la nécessité, soulignée avec insistance, d’une politique « Open Sky » adaptée, appuyée par des hubs régionaux et des compagnies low-cost favorisant la mobilité touristique. À cela s’ajoute l’urgence de renforcer la connectivité terrestre et numérique pour fluidifier les flux touristiques et valoriser les destinations intérieures.

Enfin, pour faire rayonner le continent à l’échelle mondiale, les panélistes ont appelé à l’adoption de standards africains en matière de qualité, de durabilité, et de storytelling. L’Afrique doit non seulement parler d’une voix unifiée, mais aussi proposer des expériences harmonisées, certifiées, et inspirantes pour séduire les voyageurs d’aujourd’hui.

Paroles de ministres – ce qu’ils ont dit à Tunis

Tunisie – Pays hôte La Tunisie, un pont identitaire et stratégique pour le tourisme africain

S.E M. Soufiane Tekaya, Ministre du Tourisme de la Tunisie – notre hôte, et KeynoteSpeaker, qui ouvre la voie d’une Tunisie tournée vers un tourisme intelligent, durable et connecté à l’Afrique.

Ouvrant le panel avec a ouvert le panel avec une hauteur de vue éclairée, S.E M. Soufiane Tekaya, Ministre du Tourisme et de l’Artisanat de la Tunisie, a inscrit son propos dans une double dimension : historique et stratégique.

Il a rappelé le sens et la portée du thème du jour, soulignant que

Capitaliser sur le potentiel touristique de l’Afrique pour dynamiser l’économie, vise à faire de notre secteur un levier stratégique de croissance pour tout le continent. 

 Le ministre du Tourisme tunisien a rappelé que la Tunisie, en tant que carrefour méditerranéen et africain, souhaite être un point d’ancrage pour les coopérations régionales en matière de tourisme durable, avec un savoir-faire reconnu dans la formation et l’accompagnement des territoires.

La Tunisie, autrefois appelée Ifriqiya, a donné son nom à l’Afrique!

Ce lien, selon lui, n’est pas seulement géographique, mais profondement identitaire 

Il fait de la Tunisie non seulement un pays africain pour la géographie, mais aussi un pays africain par vocation, par devoir de solidarité et par ambition partagée. 

Par ces mots, la Tunisie se positionne comme un acteur engagé du renouveau touristique africain, conscient de son héritage mais résolument tourné vers une coopération durable et inclusive.

Libye : Une richesse touristique méconnue à valoriser

S.E M. Nasreddine Milad Al-Fazzani, Ministre du Tourisme et de l’Artisanat de la Libye – porteur d’une vision nouvelle pour un pays en pleine reconstruction

Dans un discours empreint de fierté nationale, Son Excellence M. Nasreddine, ministre du Tourisme et de l’Artisanat de la Libye, a rappelé la profonde richesse de son pays en matière de diversité touristique.

La Libye regorge de nombreuses potentialités touristiques, représentant presque toutes les formes de tourisme existantes dans le monde. 

Évoquant la dimension culturelle majeure de la destination libyenne, il a souligné que la Libye possède un patrimoine exceptionnel, encore largement sous-exploité, mais porteur d’une valeur stratégique pour l’économie africaine.

La Libye incarne un acteur important du tourisme culturel. 

Présent à Tunis avec l’ambition de renforcer la coopération régionale, le ministre a exprimé son souhait de voir la Libye intégrée pleinement dans la dynamique touristique africaine, convaincu que la stabilité et l’investissement dans ce secteur seront des leviers majeurs pour l’avenir économique de son pays.

Mauritanie : Le tourisme africain, levier d'intégration et de rayonnement mondial

S.E Mme Zeinebou Mint Ahmednah, Ministre du Commerce et du Tourisme de la Mauritanie – une voix forte pour un tourisme authentique et saharien.

S.E Mme Zeinebou Mint Ahmednah a salué l’initiative de la Tunisie pour l’organisation de ce forum de haut niveau, organisé à un moment crucial où l’Afrique fait face à de grands défis, mais aussi à d'immenses opportunités. Elle a souligné que

 le continent dispose d’un potentiel touristique considérable, capable de favoriser l’intégration économique, la croissance durable, ainsi que le renforcement de la place de l’Afrique sur la scène internationale

إفريقيا اليوم وجهة واعدة للسياحة »  L'Afrique est aujourd’hui une destination prometteuse pour le tourisme

Son intervention a mis l’accent sur la vision d’une Afrique touristique unie, ambitieuse et stratégiquement positionnée dans l’économie mondiale.

Ghana – Le tourisme, pilier stratégique de la culture et de la créativité

S.E M. Issaka Jajay Yussif, Vice-ministre du Tourisme du Ghana – nation pionnière dans la diaspora et les synergies afro-descendantes

 Issaka Jajay Yussif,, Vice-ministre du Tourisme, de la Culture et des Arts Créatifs du Ghana a présenté la vision profondément transformatrice de son pays.

S’exprimant devant une assemblée attentive, il a déclaré :

C’est un honneur de me joindre à vous lors de ce forum essentiel, où il ne s’agit pas seulement de discuter de l’avenir du tourisme, mais bien de le façonner. 

En adoptant une approche intégrée alliant tourisme, culture et industries créatives, le Ghana entend faire de ces secteurs des moteurs de transformation économique et de rayonnement continental. L’Honorable Jaja a insisté sur l’importance des rencontres panafricaines comme le FITA, qui permettent de nouer des alliances stratégiques, de partager les meilleures pratiques et de construire une voix commune pour le tourisme africain.

Amis de l’Afrique, le moment est venu de collaborer et d’innover. Nous devons raconter nos histoires, investir dans notre capital humain et bâtir des infrastructures capables d’accueillir le monde. 

À travers des initiatives ambitieuses telles que "Beyond the Return" ou le développement du tourisme de mémoire, le Ghana s’impose comme un modèle d’ancrage culturel fort et de diplomatie touristique audacieuse.

Tanzanie : Le tourisme, moteur stratégique de l’économie africaine

S.E M. Dunstan Luka Kitandula, Vice-ministre du Tourisme et des Ressources Naturelles de la Tanzanie – cœur de l’Afrique sauvage et spirituelle.

S.E. M. Dunstan Luka Kitandula, Vice-ministre du Tourisme et des Ressources Naturelles, a souligné avec conviction que le tourisme n’est pas seulement une industrie, mais un levier fondamental du développement économique en Afrique.

Le tourisme n’est pas simplement une industrie, c’est un moteur vital

Se félicitant de pouvoir débattre de cette thématique essentielle aux côtés de ses pairs, il a mis en lumière l’importance croissante du secteur touristique dans l’économie continentale, en insistant sur la nécessité d’unir les efforts africains pour relever les défis communs et maximiser les retombées économiques du secteur.

Son intervention a réaffirmé l'engagement de la Tanzanie à jouer un rôle actif dans la promotion d’un tourisme durable et inclusif, axé sur la richesse de ses ressources naturelles et culturelles.Madagascar : L’île-continent s’élève au cœur de la dynamique touristique africaine

S.E Mme Veviane Dewa, Ministre du Tourisme et de l’Artisanat de #Madagascar – ambassadrice d’un patrimoine naturel et artisanal d’exception

Avec la grâce d’une diplomatie affirmée et l’enthousiasme d’une passionnée du secteur, S.E. Mme Viviane Rakotoarivony Dewa, Ministre du Tourisme de Madagascar, a salué l’initiative panafricaine du panel, exprimant sa gratitude aux autorités tunisiennes.

Dans son allocution, elle a rappelé que Madagascar ne se résume pas à ses paysages spectaculaires, mais se distingue aussi par son engagement régional et son leadership dans la coopération Sud-Sud.

Les potentiels touristiques africains sont immenses, et notre île-continent souhaite prendre toute sa place dans cette ambition partagée. 

À travers une politique axée sur la connectivité aérienne et maritime, le tourisme de croisière, et une visibilité internationale renouvelée, Madagascar entend se positionner comme un carrefour incontournable du tourisme africain.

Nous devons investir dans nos infrastructures, dans la formation de nos jeunes, et dans la promotion des destinations africaines. L’Afrique doit apprendre à se vendre elle-même. 

 

Rèpublique Dèmocratique du Congo (RDC) un pays-continent à la croisée des ambitions touristiques africaines

S.E M. Didier M’Pambia Musanga, Ministre du Tourisme de la RDC – pays-continent à l’incroyable biodiversité et à l’offre culturelle unique.

SEM. Didier Mpambia Musanga, Ministre du Tourisme de la République Démocratique du Congo, a exprimé sa reconnaissance pour l’invitation tunisienne, saluant l'initiative comme un véritable accélérateur de synergies africaines :

Merci à mon homologue tunisien pour cette initiative qui permet de renforcer les liens Sud-Sud, importants pour un secteur touristique beaucoup plus émergent et plus fort au niveau de l’Afrique. 

Dans son propos, le ministre congolais a insisté sur l’immensité du potentiel de son pays, qualifié à juste titre de pays-continent :

Parler de tourisme pour la RDC, c’est évoquer un territoire de tous les extrêmes : la deuxième forêt tropicale du monde, le fleuve Congo, des parcs nationaux classés UNESCO, une mosaïque de peuples et de cultures. 

À travers cette prise de parole, la RDC affirme sa volonté d’intégrer les dynamiques panafricaines du développement touristique, dans une approche résolument solidaire, durable et ambitieuse.

Tous nos pays partagent les mêmes difficultés : faiblesse de la connectivité, manque d’investissements, image négative. Mais à plusieurs, nous pouvons créer des synergies régionales fortes. 

 

Une feuille de route à concrétiser Les intervenants s’accordent à dire que le temps des constats est derrière nous. Le défi est aujourd’hui de mettre en œuvre des politiques cohérentes, des projets régionaux, des alliances public-privé efficaces.

Comme l’a conclu le vice ministre du tourisme du Ghana:

Ne repartons pas de Tunis avec uniquement des idées. 

Un appel fort à l’action, à la responsabilité, et à la solidarité entre les nations africaines, porté par des voix légitimes et engagées. Le tourisme africain n’est plus un rêve. Il est un chantier commun, et un horizon de prospérité partagée.

Cap sur l’action collective

Les ministres présents ont chacun réaffirmé leur engagement à œuvrer ensemble pour lever ces freins structurels. Des pistes concrètes ont émergé : création de couloirs touristiques régionaux, renforcement de la coopération aérienne, développement de labels qualité panafricains, et promotion coordonnée de la destination Afrique. Ou encore un visa touristique régional…

Ce panel a démontré que l’Afrique du tourisme n’est pas une chimère : elle est en marche. Une Afrique qui croit en ses paysages, en ses peuples, en son artisanat, en sa culture… et surtout, en elle-même. Le tourisme peut – et doit – être l’un des piliers d’un développement économique, durable, solidaire et panafricain.

Par Donia Hamouda est experte en marketing touristique et digitale, fondatrice de Tourismag.com, et a modéré ce panel ministériel dans le cadre de FITA 2025.