Sous les lumières tamisées du Musée National du Bardo, où les mosaïques millénaires semblent murmurer des récits oubliés, une soirée d’exception a mêlé hier patrimoine, création et hommage aux femmes. À l’initiative du ministère des Affaires culturelles, l’exposition « Isis, Aphrodite, Cybèle et les autres… » a transformé ce sanctuaire de l’histoire en une scène vibrante, célébrant à la fois l’héritage universel des déesses antiques et l’âme plurielle de la Tunisie. Un événement porté par la ministre Amina Srarfi, dont la vision audacieuse réinvente le dialogue entre passé et présent.

Musée du Bardo - Tunis

Niché dans un palais ottoman aux murs chargés d’histoire, le Bardo — célèbre pour abriter la plus riche collection de mosaïques romaines au monde — a offert un écrin à la mesure des déesses invoquées. Entre les tesserae étincelantes de la Mosaïque de Virgile et les courbes marmoréennes de Tanit, déesse-mère de Carthage, le parcours scénographié par Leila Daami a tissé un fil d’or entre les civilisations. Isis, symbole de résurrection égyptienne ; Cybèle, divinité phrygienne au char triomphal ; Fortuna, maîtresse romaine du destin : chaque figure incarnait un fragment de cette Tunisie carrefour, où se croisèrent Phéniciens, Berbères, Romains et Byzantins.

La mode, héritière des impératrices

Défilé Fatma Ben Abdallah - Bardo - Tunis - Crédit Photo -Ministère de la Culture

L’instant le plus poétique ? Un défilé où les étoffes ont dansé sous les voûtes séculaires. Sous la direction de la créatrice Fatma Ben Abdallah, des robes inspirées des stolae romaines et des himation grecs ont épousé les silhouettes avec une modernité fluide. Broderies dorées évoquant les ornements de Dougga, drapés rappelant le sefseri tunisien, diadèmes inspirés des monnaies de Juba II : chaque pièce incarnait une fusion entre héritage et avant-garde.

Porter cet héritage dans un musée, c’est rendre hommage aux Tunisiennes qui, depuis Didon jusqu’à nos jours, ont porté les cultures en elles »,
a confié la styliste, émue.

Défilé Fatma Ben Abdallah - Bardo - Tunis - Crédit Photo -Ministère de la Culture

Amina Srarfi : une ministre à l’assaut des clichés

Au milieu - Amina Srarfi , Ministre de la culture - à Droite, SE. Monsieur François DUMONT , Ambassadeur de Belgique - à Gauche Fatma Thabet Chiboub, Ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie

En marge des sculptures et des textiles, la soirée a aussi mis en lumière l’engagement d’Amina Srarfi. La ministre a rappelé son ambition de faire des musées des lieux vivants, accessibles, où chaque Tunisien se reconnaît! Un discours incarné par les projets en cours : numérisation des archives, collaborations avec l’UNESCO pour classer de nouveaux sites, et initiatives pour attirer la jeunesse. « Le Bardo n’est pas un tombeau, mais un laboratoire de notre fierté nationale », a-t-elle insisté, soulignant le rôle des mosaïques — véritables « pages de pierre » — comme preuves tangibles de l’enracinement tunisien dans l’histoire méditerranéenne.

Quand le violon parle aux déesses

La soirée s’est achevée sur une performance musicale de la violoniste Yasmine Azaiez, dont les mélodies ont résonné sous les voûtes du musée, créant une symbiose entre art vivant et collections séculaires. En mêlant histoire, mode et musique, le Bardo a confirmé sa vocation de lieu de dialogue — non seulement entre les époques, mais aussi entre la Tunisie et le monde. Une démonstration éclatante que les musées, lorsqu’ils sont animés par une vision audacieuse, restent des phares de la culture et de la mémoire partagée.

 

Épilogue : le Bardo, phare d’une Tunisie éternelle

Alors que la soirée s’achevait, une évidence s’imposait : ce musée, classé parmi les plus beaux au monde pour ses mosaïques, est bien plus qu’un conservatoire. Il est le récit incarné d’une nation qui, depuis trois millénaires, absorbe les cultures pour mieux rayonner. En liant art, femme et patrimoine, Amina Srarfi et ses équipes ont offert une leçon : l’histoire tunisienne, riche de ses strates, ne se contemple pas — elle se vit, se porte et s’invente, à chaque pas, sous les voûtes du Bardo.