Par Mohamed Khaled Hizem
Le prestigieux musée du Bardo, qui possède l’une des plus vastes collections de mosaïques romaines au monde, impressionne non seulement par la qualité remarquable de ses pièces archéologiques, mais également par ses décors, notamment ses précieux plafonds, qui constituent des œuvres d'art à part entière.
Vue partielle de la salle du Harem. Celle-ci, de plan cruciforme, fut réalisée à la fin des années 1850. La pièce présente une splendide décoration, associant marbres, céramiques et plâtre délicatement sculpté. (crédit photo : Céline Rabaud)
Le musée logé, essentiellement, dans une partie importante de l'ancien palais du Bardo, résidence officielle des Beys de Tunis aux XVIIIe et XIXe siècles, recèle plusieurs joyaux des arts décoratifs de la période husseinite (1705-1957). La présence de ces derniers s’explique par le fait que le noyau ancien du musée, ouvert en 1888 sous le règne d'Ali Bey III (1882-1902), fut à l’époque de ses prédécesseurs, Mohamed Bey (1855-1859) et Sadok Bey (1859-1882), l’aile privée du palais du Bardo, tandis que l’aile cérémonielle, qui englobe la salle de justice et trois salles du trône, accueille, de nos jours, l’Assemblée des représentants du peuple (le parlement tunisien).
L'aile privée du palais du Bardo résulte, en grande partie, des travaux ordonnés par Mohamed Bey vers 1855-1856, et qui furent achevés au début du règne de Sadok Bey, au cours de la première moitié des années 1860. Bien que cette aile présente des intérieurs fortement marqués par les arts décoratifs européens, en vogue à la cour beylicale depuis les années 1840, les monarques de la dynastie husseinite demeuraient toutefois attachés aux traditions artistiques tunisiennes, elles-mêmes enrichies grâce aux apports andalous et ottomans.
La salle du Harem, l'une des plus belles salles de l'aile privée, illustre cet attachement au savoir-faire des ornemanistes tunisiens qui la décorèrent vers 1859-1860. La pièce, de plan cruciforme (en croix grecque), possède une somptueuse décoration associant les marbres, de diverses couleurs, aux céramiques et au plâtre sculpté. Celui-ci, travaillé avec une virtuosité éblouissante, présente d'admirables dentelles finement ciselées qui couvrent entièrement la partie supérieure des murs, les quatre grands arcs en plein cintre et leurs intrados, la grande voûte octogonale, ainsi que les quatre voûtes plus petites surmontant les quatre « Kabouats », qui correspondent aux prolongements de la salle (les quatre branches du plan en croix).
Vue d'ensemble de la voûte octogonale qui couvre l'espace central de la salle du Harem. Cette voûte remarquable est entièrement tapissée de plâtre finement ciselé d'une multitude de motifs ornementaux. (crédit photo : Steve Sayers)
La plus belle parure de cette pièce est, sans conteste, l’exceptionnelle voûte octogonale qui surmonte l’espace central. Celle-ci est tapissée d’innombrables arabesques en plâtre, sculptés suivant une précision et une délicatesse inouïes. Les éléments décoratifs, d’une variété saisissante, incluent des entrelacs au dessin complexe, des étoiles à huit pointes, des motifs cordiformes et en losanges, des arcs recti-curvilignes, des stalactites, etc.
Les murs des « Kabouats » sont revêtus de céramiques, de fabrication tunisienne, issues des ateliers de Qallaline, se distinguant par la richesse de leur polychromie. Le dallage, formé de carreaux en damier, est réalisé avec des marbres blanc, rouge et jaune. Quant aux encadrements des portes, ainsi que les huit colonnes graciles, coiffées de chapiteaux néo-corinthiens, ils sont en marbre blanc de Carrare.
Longtemps dénommée « salle de Virgile », car elle abrita, pendant de longues décennies la célèbre mosaïque de Virgile entouré des muses Clio et Melpomène, ce n’est plus le cas à présent, étant donné que l’œuvre fut transférée, depuis quelques années, dans un autre espace du musée. La superbe salle du Harem, qui servait jadis de pièce de réception aux princesses et aux favorites de la cour beylicale, conserve de nos jours l'ensemble de ses ornements d'origine.