Jendouba I Le Kef I Siliana
Existe-t-il réellement une entité physique et socio-économique que l’on pourrait désigner par l’appellation Nord Ouest et qui présenterait une unité telle qu’elle pourrait être considérée comme une région à part entière ? Evidemment, non. Mais l’usage a consacré cette perception, alors, adoptons-la à notre tour.
La région considérée comprend deux massifs montagneux boisés séparés par une vaste vallée. Au nord, enserré entre la Haute Vallée de la Méjerdah et la mer : la Khroumirie ; au sud, le massif du Haut Tell.
Principale caractéristique de cette région ? L’existence d’une ville, le Kef, qui représente une exception de citadinité dans une très vaste contrée qui s’étend sur tout l’ouest et une grande partie du centre tunisiens. Tel un roc (comme, au demeurant, l’indique son toponyme d’origine vernaculaire qui signifie « le Rocher »), cette cité (ainsi que, curieusement, Kesra, village le plus haut perché de Tunisie à plus de 1.2OO m d’altitude) a surnagé dans le ras de marée qui a noyé cette partie du pays dès le XIII° siècle avec l’invasion des tribus hilaliennes. Celles-ci ont, partout ailleurs, anéanti la vie urbaine jadis florissante comme en témoigne l’exceptionnelle densité de vestiges antiques dans la région. Un retour au tribalisme et, surtout, au nomadisme qui ont complètement bouleversé le mode de vie de la population et profondément modifié ses structures sociales et économiques. Toute sédentarité s’en est trouvée résorbée. On pratique désormais l’élevage intensif compatible avec la transhumance et les cultures céréalières qui ne nécessitent pas une présence continue et dont le renouvellement est envisageable l’année suivant une mauvaise surprise.
Il faudra attendre l’établissement du protectorat français sur la Tunisie, à partir de 1881, pour voir réapparaître la citadinité dans cette région (et dans quelques autres du centre et du sud du pays). A la faveur des activités économiques introduites par les colons, telle l’exploitation des mines (fer, plomb, zinc et, surtout, phosphates) des populations auparavant transhumantes se sont fixées autour des exploitations ou des gares sur les lignes de chemin de fer pour y servir de main-d’œuvre. Cela explique que, en dehors du Kef et de Kesra, toutes les autres localités sont dépourvues de noyaux remontant au-delà du XIX° siècle.
Les trois gouvernorats qui composent cette région couvrent une superficie de 10.968,28 km² pour une population totale de 909.483 âmes. Jendouba enregistre un taux d’accroissement démographique annuel de près d’1/2 point tandis-que les deux autres ont un taux négatif de même ordre. Ce dernier phénomène s’explique par la tendance persistante à l’exode vers les villes côtières à la recherche d’emplois.
Les ressources naturelles de cette région après épuisement quasi-total des gisements miniers sont essentiellement de nature agricole. Les cultures céréalières y tiennent le haut du pavé avec, cependant, un apport conséquent de la sylviculture qui fournit, dans la Khroumirie, le liège en quantités industrielles et, dans le Haut Tell, du bois à divers usages ainsi les produits du sous-bois et du pignon. Dans la vallée de la Méjerdah , on pratique aussi les cultures intensives tels le maraîchage et les cultures sous serres. Dans cette même vallée ont émergé des industries de conditionnement d’eaux minérales et de transformation de produits agricoles.
Le tourisme constitue l’autre potentiel de la région. Et s’il a démarré précocement du côté d’AÏn Draham (dès la prime époque coloniale) et de Tabarka où il a éclos vers le milieu des années 60 (qui ne se souvient de son festival international d’été et de son slogan invitant à « ne pas bronzer idiot » ?), il peine à trouver son rythme de croisière sur la Côte du Corail tarde à émerger ailleurs. Pourtant, la région ne manque pas d’atouts : beauté et diversité des paysages naturels, stations thermales (Hammam Bourguiba, Hammam Essalhine, Hammam Mallègue), parcs et réserves naturels en nombre (dont celui de Feija, le plus beau d’Afrique du Nord qui abrite la plus importante colonie de cerfs de Berbérie), formidable gisement historique et archéologique qui couvre toutes les ères de la civilisation en Tunisie avec des sites majeurs comme ceux de Bulla Regia (Jendouba) et ses villas romaines souterraines, Simitthu (Chemtou) et sa carrière de marbre numide antique, Althiburos (Mdeina) près de Dahmani, la Table de Jughurtha (impressionnant phénomène géologique utilisé comme bastion à travers les âges), Mactaris (Makthar) et ses superbes ruines de toutes les époques, Zama (Jama) où Hannibal livra sa dernière bataille contre les Romains de Scipion l’Africain, Kesra, village berbère en nid d’aigle bâti avec des matériaux de remploi récupérés sur un site antique, Béni Mtir ou Jérissa, villages de province européenne transplantés sous le ciel africain, sans oublier la ville du Kef, véritable musée à ciel ouvert de l’histoire de tout le pays et berceau de la dynastie fondatrice de la Tunisie moderne, etc.
Hormis Tabarka et Aïn Draham, l’infrastructure hôtelière et touristique est quasiment inexistante. Seule la ville du Kef compte quelques unités hôtelières, gîtes ruraux et des restaurants de qualité moyenne.
Le tournant aujourd’hui esquissé par le tourisme tunisien : diversification du produit par la promotion du tourisme culturel, écologique ainsi que le lancement de l’agrotourisme, de même que l’ouverture de l’accueil chez l’habitant -gites ruraux et chambres d’hôtes-, tout cela est de nature à augurer d’un avenir meilleur pour une région appelée à développer un produit touristique spécifique.